Chapa n° 8 Le Kenya
Le Chapa N° 08 (Kenya)
5 janvier 2009, nous n’avons qu’une hâte, c’est d’aller
prendre des nouvelles de notre Bagheera. John nous informe que les pièces sont
commandées chez IVECO Turin. Une semaine plus tard, il nous affirme qu’elles
arriveront au Kenya le 28 janvier et qu’il faut bien compter une semaine de
travaux mais à voir l’état de Bagheera, nous craignons une rallonge de temps.
Globalement, cela confirme la durée d’immobilisation que nous redoutions un
peu, mais il va falloir maintenant prendre notre mal en patience.
Patience, il va nous en falloir car les journées risquent
d’être longues et un séjour de patachons se dessine pour quelques semaines.
Notre seule activité physique se borne à nous rendre à Nakumatt à pied (20
minutes environ) et à en revenir chargés comme des mulets avec nos sacs à dos
remplis par notre ravitaillement. Par contre, nous allons à Yaya Center en bus
car c’est beaucoup plus loin et nous en profitons pour acheter des choses plus
lourdes, comme les sacs de croquettes à Ulysse. Nous dévorons les livres de la
bibliothèque française du camping et échangeons avec les rares voyageurs
français de passage quelques bouquins. Nous reprenons nos « tournois » de
Scrabble et nos parties de « crapettes » plongeons de longs moments dans les magasines
de mots croisés ou sodokus et je me remets difficilement aux Chapas. Marc est
mis à contribution pour des petits dépannages électriques au camping mais cela
ne lui prend à chaque fois que quelques minutes. Je profite de l’aménagement de
la cuisine spacieuse pour faire un peu plus de popote que dans le camion
La vie est chère à Nairobi, il n’y a que les
fruits et les légumes qui soient vraiment bon marché et de production locale
(il y a des produits étrangers mais c’est beaucoup plus cher) j’en profite pour continuer mon gavage de
mangues.
Le temps à Nairobi est assez capricieux. Le matin et dès
la tombée de la nuit il fait frais, le pull n’est pas de trop pour déjeuner ou
diner dehors. Pendant la journée c’est la grosse chaleur et il nous est
impossible de rester en plein soleil, l’ombre est la bien venue mais avec le
vent qui souffle régulièrement il y fait presque trop frais, alors nous ne
cessons d’alterner entre chaleur et fraicheur. La pluie fait quelques
apparitions et heureusement c’est le plus souvent pendant la nuit mais quand
c’est en plein jour c’est nettement moins marrant, nous nous replions dans la
salle à manger ou le salon du camping.
Toutes les semaines, nous
changeons nos toiles de tente d’emplacement pour laisser respirer l’herbe que
nous aplatissons. Notre déménagement ne nous occupe que deux petites heures
dans une matinée.
Nous voyons beaucoup de voyageurs arriver et repartir du
camping. La plupart arrivent par le nord de l’Afrique de l’est et descendent presque tous à Cap Town en Afrique du Sud. De
là beaucoup embarquent voitures où moto sur des bateaux tandis qu’eux regagnent
leurs pays par la voie des airs. Très peu pensent remonter en Europe par
l’Afrique de l’ouest ! De nombreux voyageurs laissent leurs véhicules en
pension chez Chris et ne reviennent au Kenya que pendant leurs vacances. La
faune des voyageurs est éclectique, il y a évidemment beaucoup d’allemands, pas
étonnant c’est la nationalité de Chris mais de très nombreuses nationalités
cohabitent au Jungle Jonction. Nous voyons défiler des autrichiens, des
anglais, des états-uniens, des suisses, des espagnols, une italienne, un
israélien, des polonais, des belges (en famille) des Sud africains, un
canadien, des hollandais.
A part Stéphane, le jeune routard,
le premier français que nous croisons est Jacques à bord d’un camion Mercedes.
Il est seul, non pas vraiment car il voyage avec son chien Bouba, un Fox
Terrier. Dès le premier contact avec Ulysse c’est l’affrontement et nous sommes
obligés d’attacher les deux chiens sous peine de chicanes sérieuses et coups de
crocs hargneux des deux côtés. Ils ne peuvent pas se voir ! Jacques n’en
est pas à son premier périple en Afrique, il est passé par
Ensuite, ce sont Laurent, Sylvie
et leurs trois enfants Maïté, Gaëlle, Loïc et leur petite chienne Djune qui
arrivent également du nord. Nous passons ensemble de très bons moments d’autant
plus que ce sont d’anciens « voileux », qu’ils ont vécus et
travaillés en Martinique et qu’ils ont fait la transat retour avec un voilier
de tout juste
Notre séjour forcé à Nairobi va sûrement nous occasionner
des frais supplémentaires, (achat de la toile de tente, camping, prolongement à
coup sûr des visas de Tanzanie ou du Kenya) Chris nous conseille de faire appel
à un avocat pour essayer de tirer quelques indemnités auprès de l’assurance de
« AA » Nous allons au consulat de France à Nairobi, où nous nous
sommes déjà rendus pour notre problème de prorogation de nos permis de conduire
internationaux. L’accueil a été moins chaleureux qu’à Dar-es-Salaam et sans
ambages, la jeune fonctionnaire qui nous reçoit nous déclare que le consulat ne
peut rien faire pour nous, qu’il faut que nous débrouiller tous seuls !
C’est ce qu’on va finir par faire et si cela continue nous allons devenir
faussaires. Mais aujourd’hui, nous lui demandons si elle connaît des avocats
qui parlent français si possible. Elle nous sort très rapidement un listing
avec les noms et adresses des avocats qui officient parfois pour le compte de
l’ambassade de France et le nombre de
ceux qui par cabinets parlent notre
langue. Nous nous rendons illico à l’office de l’un deux (qui fait une
consultation gratuite de trente minutes) ce brave monsieur qui n’a pas parlé
français depuis au moins trente ans, ne comprend pas trop notre démarche pour
réclamer des indemnités, cela ne se fait pas ici et ce n’est pas sa spécialité.
Il nous dirige vers d’autres confrères qui ont la même réaction et qui ne
parlent pas beaucoup plus français que lui. Nous faisons choux blancs de ce
côté
Le jeudi 29 janvier, nous sommes sans nouvelles d’IVECO,
cela ne pressage rien de bon ! Effectivement John qui répond à l’appel
téléphonique de Chris nous apprend que les pièces ne sont pas arrivées au
Kenya, nous sommes sciés ! Mais les travaux de démontages ont commencés.
L’après midi, nous partons au garage. Nous prenons le bus (surtout pas ces fous
de matatus) jusqu’à l’entrée du centre ville puis nous allons à pied courageusement
jusque dans la zone industrielle. Cela nous fait faire un peu de marche mais
malheureusement pas dans de bonnes conditions car le flot incessant des
véhicules nous asphyxie et l’état désastreux des trottoirs rend le périple
dangereux !
Au garage nous demandons à
voir le supérieur de John qui ne sachant pas trop quoi nous répondre, nous
dirige vers le responsable du magasin qui nous confirme que les pièces sont
toujours à Turin en Italie. De sciés, nous passons à dépités. Nous essayons de
comprendre ce qui bloque, mais déchiffrer les propos en anglais d’un africain
est pour nous très difficile, en plus entre eux, ils parlent swahili ! Est
ce qu’il y a des soucis d’approvisionnement avec les pièces ? Est ce un
problème avec la «facture pro format » ? Personne ne nous donne
aucunes informations fiables. Monsieur Kausi qui joue l’éffondré et qui
compatit à notre désarroi ! , essai de joindre la responsable de la
logistique (c’est fou ce qu’il y a comme managers dans cette boite), mais celle
ci est injoignable. Il nous promet de nous appeler dès qu’il aura des
nouvelles.
Nous patientons encore jusqu’au lundi 2 février pour
contacter Monsieur kausi qui n’a pas donné signe de vie. Il réitère ses paroles
et promet encore une fois de faire le nécessaire auprès de la responsable de la
logistique et de réellement nous contacter dans l’après midi. La fin de la
journée se passe sans coup de fil, nous nous sentons complètement impuissants,
combien de temps vont-ils nous faire marcher ?
Le lendemain, nous allons au
garage, nous avons préparé (en anglais, s’il vous plait) un courrier où sont
inscrites depuis le 18 décembre, jour de l’accident de Bagheera, les dates des
rencontres où des appels téléphoniques avec IVECO, les promesses qu’on nous balancent et leur incompétence
à nous fournir des explications cohérentes sur ces retards. Monsieur Kausi tente de joindre
toujours la logistique. Finalement, ne pouvant pas avoir de renseignements par téléphone,
il nous conduit dans le bureau de madame Ndeti qui nous reçoit sans tarder.
Nous avons alors enfin une explication. Le gouvernement kenyan oblige toutes
les pièces mécaniques provenant de l’étranger d’êtres soumises à une expertise
qui certifie leurs provenances et surtout leurs qualités ! Nous n’en
croyons pas nos oreilles, tout ce retard pour ça ! Madame Ndeti rédige
rapidement un brouillon qu’ elle tend illico à sa secrétaire qui contacte IVECO
à Turin via Internet pour semble t- il faire activer la certification, d’
autant plus précise-t-elle, que notre véhicule est en transit au Kenya et que
nos visas expirent le 19 mars. Mais ce n’est pas pour autant que nous avons de
ses nouvelles les jours suivants.
C’est encore nous qui rappelons Monsieur Kausi le matin
du samedi 7 février. Il affirme que les choses bougent, les pièces arriveront
au Kenya en fin de semaine prochaine, devons nous le croire où est-ce encore un
coup de bluff.
Le mercredi suivant, Marc et
Chris qui sont allés faire des courses et entre autre acheter deux pneus neufs
pour Bagheera (comme quoi, nous espérons toujours que notre camion va reprendre
les pistes africaines un jour ou l’autre) passent à l’improviste chez IVECO. Mr
Kausi est absent, ils rencontrent Mr Wellington, le responsable de l’entrepôt
des pièces détachées qui est notre nouvel interlocuteur, encore un !
Le vendredi, Mr Wellington n’a
aucuns renseignements à nous délivrer, il ne sait pas si les pièces sont
arrivées, c’était bien un coup de bluff. Le lendemain, Chris le relance et là,
info où intox, il déclare que le matériel sera à l’aéroport lundi, que les
pièces seront en magasin mardi voire mercredi au plus tard.
Nos visas de Tanzanie vont expirés le 7 mars, avant ceux
du Kenya. Nous allons au consulat pour nous entendre dire qu’il va nous falloir
payer 50 $ US chacun pour en avoir des nouveaux, où si nous voulons des visas
de transit de 30 $ US, obtenir ceux de Zambie avant.
Mardi 17 février, nous rendons visite à notre pauvre
Bagheera. Les travaux de carrosserie ont commencés, un ouvrier travaille sur le
pare-buffle remonté provisoirement. Monsieur Wellington nous accueille dans son
bureau avec un large sourire sur son visage et une bonne info: Nos pièces sont
en magasin ! Enfin une bonne nouvelle, mais nous voulons voir le miracle
de nos propres yeux. Dans le magasin, notre joie fait place de nouveau au
désarroi, le tas de cartons de pièces détachées qu’il nous montre ne correspond
pas aux nôtres, il s’est gouré de numéro de commande ce C…
En début d’après midi, il
confirme quand même que les pièces sont bien à l’aéroport de Nairobi et le
lendemain tout juste avant 17 heures, il garantit à Chris par téléphone
qu’elles seront en magasin demain vers 10 heures.
Jeudi 19, Marc va tout seul chez IVECO, je n’ai pas envie
encore de faire tout ce trajet pour rien ! Effectivement, Mr Wellington
nous a encore raconté des bobards. Marc se fâche un peu. Il croit comprendre
qu’il y a des soucis de paiement à la douane. (Comme si CMC n’avait pas les
moyens de payer les frais de douane !)
Vendredi 20 février. J’ai rédigé en anglais (comme j’ai
pus) le planning d’approvisionnement de pièces de Bagheera indiquant également
tous les faux espoirs que nous avons eu depuis le début de l’année.
Dès notre arrivée chez IVECO
vers 14h30, Mr Wellington s’aperçoit à nos visages que nous ne sommes pas de
très bonne humeur et effectivement je commence à me fâcher, lui signifiant que
nous comptons rester dans les locaux d’IVECO jusqu’à la fermeture s’il le faut
puisqu’il nous certifie que les pièces sont en route depuis l’aéroport. Je lui
montre l’enveloppe qui contient notre courrier et lui demande le nom du
directeur de CMC, lui annonçant que nous sommes décidés à lui remettre cette
lettre. Nous squattons pour un moment le salon de l’accueil, passant notre
temps avec deux bouquins. Puis nous nous rendons à pied dans d’autres locaux de
CMC, pour tenter d’avoir une entrevue avec Mr Froster le directeur. Mais il est
absent, nous accédons tout de même dans les bureaux et sommes abordés par Mr Musotsi à qui nous faisons lire notre missive. Celui
ci ne va même pas jusqu’au bout de la lettre, qu’il attrape son téléphone et
appelle maints correspondants pour avoir des renseignements sur notre problème
et sur la localisation de nos pièces. Après quelques minutes nous comprenons
qu’elles sont maintenant sûrement sur le point d’arriver au magasin. Il
s’engage à remettre dès lundi la lettre à son directeur ?!
A 16h45, nous filons vers le
garage (la débauche est à 17h) et sommes heureux de voir un camion de livraison
garé devant le magasin. Nos pièces sont enfin arrivées ! Mr Wellington est
tout sourire, nous aussi ! Certains vont faire des heures sup. mais on
s’en fout, nous assistons au déballage des pièces. Rapidement notre soulagement
est de nouveau relégué par la déception. Il manque des pièces et cela se voit.
Malgré que tout le listing soit coché, nous ne voyons pas la calandre et la
portière est arrivée nue, sans sa vitre et son équipement intérieur ! Nous
avons la guigne ! John ainsi que Mr Kausi et Mr Wellington, les deux
managers n’abhorrent plus leurs airs satisfaits (nous non plus) et redeviennent
vite soucieux (nous aussi)
Va t’il falloir attendre encore de longues semaines pour
avoir enfin tout le matériel ? Est ce que les pièces qui sont ici sont les
bonnes ? Ces questions vont encore nous turlupiner au moins tout ce
weekend et nous empêcher de passer de bonnes nuits.
Nous laissons nos
interlocuteurs à ces nouveaux problèmes et repartons à pied et en bus au
camping, chargés de nouveaux soucis.
Lundi matin, nous serons de
nouveau sur le pied de guerre pour connaître l’évolution de ce mauvais
feuilleton avec la ferme intention de rencontrer Mr Froster en personne.
En attendant, nous voyons de nouveau partir quelques globe-trotters
dont Giuliana qui part de nouveau vers l’Ouganda et qui ensuite prend les pistes
pour le Rwanda et le Burundi. Si tout va bien pour elle, nous ne la reverrons
pas au Jungle Jonction.
Mais d’ici que nous levions le
camp, nous avons le temps de faire la connaissance d’autres voyageurs.
Bisousdenousàvous,
Eve, Marc et Ulysse.