Chapa n° 4 Le Mozambique
Le Chapa N° 04 (Mozambique)
Bivouacs. Vendredi 14 novembre. Nous
venons de dépasser Nacaroa à environ
La nuit est maintenant bien
installée, nous prenons notre apéro tranquillement et je prépare le repas du
soir quand nous entendons des voix dans l’obscurité. Des ombres se profilent
sur le chemin et des rumeurs nous parviennent d’une piste proche, nous pensons tout
d’abord que c’est encore un groupe de personne qui veut passer et qui se méfie
mais nous optons finalement plutôt pour une bande de curieux. J’allume la
lumière extérieure, je ressors du camion et baragouine le même discours que
quelques minutes auparavant, ça ne fait pas fuir les mozambicains qui cette
fois-ci se rapprochent du camion. Il y a bien plus d’une dizaine d’hommes et
quelques jeunes garçons avec machettes et outils de jardinage. Nous leur
expliquons que nous allons dormir ici et que nous avons un chien en guise de
gardien. Derrière la moustiquaire, Ulysse ne bronche pas jusqu’à ce qu’il
détecte la présence d’un chiot qui accompagne les visiteurs nocturnes. Il sort
en trombe du camion sans aboyer mais cela fait fuir à mille à l’heure toute la
smala africaine en direction des buissons alentours. En deux secondes le vide
s’est fait autour de nous et je m’excuse comme je peux auprès des plus
courageux qui sont restés dans le chemin. La scène fugitive était vraiment
cocasse et nous ne pouvons qu’en rire.
La soirée se déroule comme une
soirée au bivouac, après le diner et le dernier petit pipi en cœur sous le ciel
étoilé, nous regagnons notre lit et Ulysse son siège avant (en position
couchette s’il vous plait) Nous sommes en pleine lecture quand nous entendons
encore du bruit. Mais c’est pas vrais, ils ne vont pas nous laisser tranquille
dans ce coin perdu ? Les voix se rapprochent, nous éteignons la lumière et
feignons de dormir, Ulysse ne grogne pas. Les hommes parlent de plus en plus
fort, aux tons employés nous supposons qu’il y a dispute entre eux et nous ne
répondons pas aux nombreux « boa noite » (bonne nuit) qu’on nous
lance de dehors et autres paroles en dialecte. Cela dure de longues minutes, de
trop longues minutes. Soudain, de légers crépitements se font entendre, puis
des lueurs jaunes apparaissent derrière nos stores baissés, ils sont en train
de foutre le feu à la brousse ces cons. Sur la piste à notre gauche, nous voyons
bien les silhouettes attisant les broussailles avec des fétus de paille
enflammées, les hommes entonnent des chants incantatoires lugubres et angoissants.
Fini de faire semblant, nous nous levons rapidement, enfilons nos vêtements,
rangeons illico ce qui peut se gammeler.
En bivouac, nous ne laissons
jamais rien trainer à l’extérieur du véhicule et nous installons toujours le
camion prêt à partir si la situation le demande et ce soir c’est le cas, ce
n’est pas notre jour de chance. Nous verrouillons systématiquement nos portes
la nuit ainsi que les fenêtres de devant mais nous ne fermons pas celles du
carré ni le hublot de toit, surtout si il fait chaud. Malgré les plaques
d’envol installées sur les deux grandes fenêtres latérales, je ferme les
vitres, Marc s’installe au volant, je suis à côté un peu tremblante. Les
villageois continuent de mettre le feu le long du chemin à venir vers nous, ils
s’attaquent maintenant furieusement à la brousse de notre côté, il n’y a plus
de temps à perdre même si l’endroit où nous sommes a déjà été brûlé. Marc met
le contact, Bagheera rugit dans la nuit, il allume les phares et nous enlevons
rapidement les volets souples du pare brise et des deux vitres. Au bruit du
moteur et à la lumières des phares, les ombres fantomatiques disparaissent du
chemin pour se cacher dans les taillis, les pyromanes deviennent invisibles,
cela en est inquiétant. Je presse Marc d’aller plus vite, mais la petite piste
est assez mauvaise et des branches basses nous obligent à ne pas foncer. Nous
passons entre les flammes qui sont de plus en plus vives et hautes, aucuns
démons ne sort de la brousse. Devant nous, sur la grande route, des lumières de
lampe- torche, il y a du monde à nous attendre et à nous faire de grands
signes. Marc ne ralentit pas, au contraire, au moment de monter sur le goudron
il accélère pour pouvoir au plus vite nous éloigner de cette bande de fous.
Je suis désolée Cély de
traiter tes compatriotes de la sorte mais ils nous ont foutus drôlement les
boules. Derrière nous les petits points blancs des lampes s’éloignent tandis
que de la brousse s’échappe le halo du brasier et sa fumée.
Marc roule le plus vite qu’il
peut, la nuit est sans lune, il est tout juste un peu plus de 20 heures et il
n’y a aucunes lueurs dans les maisons au bord de la route car même si nous ne les
voyons pas, nous savons que la route est bordée de cases.
Nous échafaudons des
explications à ce qui vient de se passer. Nous pensons qu’Ulysse est la cause
de cette « agression » que la femme et le jeune homme en vélo ont eu
très peur de l’apparence de notre chien, que parmi nos visiteurs qui semblaient
amicaux, certains ont peut être eu la frayeur de leur vie en voyant Ulysse
débouler du camion sans prévenir et que pour beaucoup cette bête noire a été
perçue comme un démon et non comme un simple animal de compagnie. Heureusement
qu’Ulysse n’a pas aboyé au moment où on se faisait déloger car nous imaginons
que cela aurait pût déclencher chez les hommes des réactions peut être plus
frénétiques et violentes. Bref maintenant on peut imaginer n’importe
quoi !
Notre terreur se dilue au fil
des kilomètres, mais nous ne voyons pas où nous pouvons de nouveau nous arrêter
pour dormir. Ce n’est qu’après plus de
Après une
aventure pareille, je ne suis plus tellement rassurée pour le moment à faire du
bivouac dans des endroits totalement isolés. Nous recherchons maintenant des
lieux un peu en retrait de la route mais pas trop éloignés d’habitations même
si cela nous vaut d’être observés de longues heures par des adultes et des
enfants curieux.
Les moments les plus
difficiles sont lorsque nous mangeons où lorsque je prépare le diner. Ce n’est
pas trop un problème quand je cuisine à l’intérieur mais quand il s’agit de
faire un feu pour le barbecue, c’est toujours gênant de le faire devant tous
ces gens qui ne mangent sûrement pas trois fois par jour comme nous et de les
faire saliver avec des odeurs de poulets ou, steaks grillés. Nous essayons au
maximum de faire de Bagheera un rempart visuel.
Notre
dernier bivouac au Mozambique se fait à une quinzaine de kilomètres de
Mandimba, la ville frontière avec le Malawi (nous y avons déjà séjourné une
nuit en allant vers Lichinga) Nous nous installons tranquillement dans une
petite clairière qui surplombe une rivière où quelques gamins sont venus se
rafraîchir et jouer. Mais dès que nous approchons, ils ramassent leurs effets
et s’enfuient à travers champs. Nous sommes encore une fois le point de mire
des villageois et beaucoup de monde se tasse sur le pont et sur la route pour
nous épier. Quelques signes de la main, mais personne ne s’approche du camion,
la silhouette d’Ulysse dissuade les plus téméraires. Ce sont finalement deux
militaires armés qui viennent nous rendre visite. Ils ne comprennent pas
pourquoi nous allons passer la nuit ici alors que le poste frontière n’est pas
loin et pas encore fermé. Je leur explique que Marc est fatigué par la piste
que nous venons de faire et qu’il est en train de se reposer, que le camion qui
a de petits soucis ne roule pas bien vite et que nous connaissons déjà cet
endroit pour y avoir passer une nuit il y a quelques jours. Ils s’en vont sur
ces brèves explications mais reviennent à la charge après avoir fait même pas
une vingtaine de mètres. Ulysse les entend revenir et saute du camion, le plus
jeune militaire embraye son arme, je sors rapidement, ils ont peut être la
gâchette facile dans le coin ! Curieux ou soucieux, ils demandent à voir
notre itinéraire au Mozambique et nos passeports puis repartent définitivement.
Route. Nous voulons gagner le lac
Malawi en passant par la piste qui part de Nampula pour rejoindre Lichinga.
Nous avons
C’est en traversant un de ces
minuscules villages que nous faisons le plein de nos trois bouteilles d’eau de
De Lichinga
à Métangula c’est du goudron, le luxe ! Nous arrivons enfin en vue du lac
Malawi. Métangula situé sur une presqu’île n’a rien d’une station balnéaire et
la plage est sale, nous continuons la petite piste qui suit sur environ
Campings. Le village de Chuwanga est
tout en longueur mais pas bien grand, aucunes
pancartes n’indiquent le Centre touristique de katawala et nous comptons
encore de nombreuses fois sur les indications des villageois pour y arriver. Nous
sommes pratiquement sur la plage mais il faut faire appel aux plaques d’envol
pour avancer dans le sable épais et mou. Nous posons nos roues pour trois jours
et demi. Katawala n’est pas vraiment un camping, il y a des chambres à louer et des petits bungalows,
il n’y a donc pas de sanitaires disponibles pour des campeurs. Pour quelques
meticals supplémentaires, Alicia nous donne les clés d’une des chambres, nous
avons accès aux WC et à la douche qui se fait avec l’eau du lac au seau et au pichet,
autant aller se laver dans le lac directement ! Nous lui demandons
également l’autorisation de nous brancher sur une prise électrique. Quand elle
n’est pas là, c’est moi qui suis de corvée pour le remplissage des seaux
directement dans les eaux du lac (pour la chasse d’eau) mais il y a de quoi
être constipé, de gros cafard trainent dans la chambre et dans les toilettes.
Nous ne sommes pas dans le
« camping » même mais en limite, nous nous retrouvons donc sur le
passage des enfants qui vont s’amuser et se baigner à la plage et des femmes
qui vont au lac faire leur toilette, la lessive et la vaisselle.
Les mômes aiment à nous
regarder nous activer ou ne rien faire, ils réclament sans cesse la balle pour
jouer avec Ulysse qui se fatigue vite avec la chaleur et préfère aller se
baigner dans l’eau chaude (28°) et douce du lac qui prend des allures de mer peu
agitée à agitée quand les orages
grondent et que le vent se lève. Les soirées sont douces au bord du lac mais
nous avons certains soirs des hannetons et autres bestioles volantes qui
virevoltent autour de nos têtes et nous bligent de nous retrancher dans le
camion, portes et vitres ouvertes mais protégés par les moustiquaires.
Un groupe de gamines
malicieuses chantent et dansent pour notre plaisir, nous passons quelques bons
moment ensemble à jouer dans l’eau et je partage avec elle mon shampoing, elles
sont très intriguées par mon piercing de nombril. Tous les enfants ne vont pas
à l’école et les fillettes ne parlent pas toutes le portugais, ce sont les garçons
qui traduisent, je sors mes cahiers de coloriage et mes crayons de couleurs,
quelques petits « privilégiés » pendant un moment, s’adonnent
joyeusement et consciencieusement au barbouillage.
Le dernier jour, nous faisons
la connaissance d’Anna, la propriétaire. Le prix qu’elle nous demande pour
notre séjour n’est pas le même que celui convenu avec Alicia. Pour avoir
utilisés les sanitaires d’une des chambres et que celle ci ne pouvait donc plus
être louée, nous aurions dû payer 600 meticals au lieu des 200, mais ce qui est
convenu est convenu et finalement elle ne nous fait pas payer plus cher que ce
que nous avions prévu.
Pour ressortir du camping nous
recommençons le ballet des plaques d’envol sous les yeux presque amusés d’un
groupe d’ados qui ne m’auraient pas aidé à ratisser le sable !
En pleine
ville de Lichinga nous campons à
Bobos de Bagheera. Pour le moment,
c’est Bbagheera qui déguste le plus et qui nous donne des soucis. Sans savoir
pourquoi, sur la piste, il s’arrête net en pleine course, il fait chaud, nous
sommes devant de petites cases et c’est l’attroupement assuré. Sur le bord de
la piste et en plein soleil Marc supprime le pré-filtre du gasoil qui semble
bouché, et c’est reparti pour un tour !
Côté
énergie ce n’est pas terrible non plus. La batterie de service d’origine, qui
est sous le siège passager, donc pas très accessible, ne tient plus la charge.
Elle n’a presque plus d’eau et refuse de charger même avec le 220V. Marc remet
plus de deux litres d’eau non déminéralisée (nous n’en avons pas sous la main),
et la recharge à fond, on verra bien si elle veut fonctionner encore un peu.
Mais le
plus inquiétant est le jeu dans la direction. En changeant les roues, Marc
s’est aperçu que la rotule du bras de direction gauche a beaucoup de jeu, on ne
peut pas continuer longtemps à rouler, surtout sur les pistes dans de mauvaises
conditions. Après examen de notre guide des représentants IVECO en Afrique, nous
trouvons l’adresse d’un garage à Blantyre au Malawi, c’est à
Contrôles. Vous avez dis
contrôle ? Il ne se passe pas un jour sans que nous soyons arrêtés par des
flics. Avant Métangula le policier nous demande l’assurance du véhicule. Aïe,
celle du Mozambique que nous avons pris à Maputo est terminée depuis 3 jours.
Marc tend au flic notre assurance française. Après examen minutieux du document
écrit intégralement en français, le policier est satisfait et nous laisse
passer non sans avoir demandé de voir l’intérieur du camion et de faire
connaissance avec Ulysse.
Au retour, encore lui (la
première fois c’était en allant au lac) le même policier nous arrête, il doit nous reconnaître pourtant ! Il
nous fait garer et demande tout de suite à ce que j’ouvre la porte, qu’est ce
qu’il cherche ? Et bien rien, c’est juste pour monter à des potes à lui le
chien qui est bien sagement couché. Dans le lot, il n’y a pas que ses amis car
un des curieux est menotté.
Lundi 24
novembre, le séjour au Mozambique se termine, nous sommes en route pour
Bisousdevousànous,
Eve, Marc et Ulysse.