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Baobab n°25 La République Démocratique du Congo

                                   Le Baobab N° 25

         (République Démocratique du Congo)

 

 

En 1960, le Congo obtient son indépendance de la Belgique qui avait colonisé cette immense région à partir de 1885. En 1971, Joseph Mobutu rebaptise le pays « République du Zaïre » puis en 1997 Laurent-Désiré Kabila s’autoproclame Président de la nouvelle République Démocratique du Congo.

               

                Jeudi 10 janvier. Nous ne sommes pas encore descendu du bateau qu’un jeune flic vient nous réclamer nos passeports. Nous ne sommes pas prêteurs et Marc refuse tout bonnement d’obéir au policier qui bien sûr n’apprécie pas notre attitude. Apres avoir garé Bagheera, Marc suit pas à pas le parcours de nos passeports dans les bureaux de l’immigration et malgré lui, il assiste à un cours dispensé à quelques policiers sur : Comment reconnaître un faux passeport d’un vrai. Les nôtres servent de modèles dans la catégorie « vrai » !

Notre Carnet De passage en Douane se retrouve rapidement tamponné, un douanier se déplace même personnellement  pour le remettre à Eve qui attend bien sagement dans le camion, essayant de contenir Ulysse qui depuis de longues heures se fait discret et patient pour le passage des deux frontières. La pause pipi se fait terriblement attendre aujourd’hui.

Nous nous attendions à passer au service de désinfection mais celui-ci semble ne plus exister.

 

            Tous nos papiers sont en règle, nous voici fraîchement débarqués en République Démocratique du Congo (RDC) dit aussi le Congo Kinshasa. Nous embarquons le douanier à notre bord, il se propose de nous guider pour nos premiers pas dans cette immense Kinshasa. Nous avons rendez-vous avec Michel au « Maquis de la gare » pour goûter nos premières Skoll et Premius, les bières du pays.

La fin de la journée se passe dans la joie et la bonne humeur, tout d’abord au bar le Surcouf (un des QG de Michel) puis au resto le Colibri avec Michel, Bob, Emmanuel et Antonio, une partie de sa joyeuse bande de joyeux lurons de potes. Marc fait attention cette fois à ne pas se laisser prendre au piège de la bière.

Nous avons de nouveau refusé une chambre d’amis préparée à notre attention dans l’appartement qu’occupe Michel, Bagheera est garé juste devant le petit immeuble. Il n’y a rien à craindre au niveau sécurité, toutes les maisons ont leurs gardiens et la villa d’en face habitée par un Général et sa famille est hautement surveillée par une armada de militaires.

 

            Du vendredi 11 janvier au mardi 15. Pendant tout notre séjour à Kinshasa, Michel met à notre disposition César son chauffeur. Nous pouvons grâce à lui nous rendre rapidement à l’ambassade d’Angola (04° 18’ 932S / 15° 16’ 869E). Les demandes de visas de tourisme ne se font que le lundi et le mercredi, il faut attendre au moins dix jours pour les récupérer et ce n’est pas à 100% sûr de les obtenir. Devant cette mauvaise volonté de l’état angolais à ouvrir ses frontières aux touristes, nous abandonnons toutes démarches et allons, comme Peter et Tessa, ainsi que d’autres voyageurs, faire nos visas de transit à Matadi.

            César nous conduit dans le centre ville vers le grand marché pour faire remplir nos deux bouteilles de camping-gaz vides depuis longtemps. La boutique (04° 18’ 337S / 15° 18’ 917E) qui ressemble plus à un atelier qu’à un magasin n’a pas de vitrine sur rue, les employés utilisent une pointe tordue dans un raccord pour faire passer le gaz d’une bouteille  locale dans les nôtres, c’est le système D à l’africaine et ça marche. César escorte et guide Marc dans un des quartiers populaires à la recherche de soudeurs pour réparer la barre du lit que Marc a réussi à démonter sans trop de problèmes ni trop de jurons. Il nous accompagne dans quelques supermarchés de la capitale où nous trouvons tous les produits de base, chez les réparateurs de téléphone portable ou il négocie pour nous à l’africaine et au zoo où les animaux emprisonnés nous font réellement pitié. La sécurité près des cages est quasiment inexistante, ce qui vaut à César, qui titillait pour des besoins photographiques un chimpanzé qui dégustait une orange, de voir ses lunettes lui être arrachées du nez par la main agile et rapide du primate ne désirant absolument pas qu’on l’enquiquine pendant son dessert. Le singe malin mais redoutable l’empêcha délibérément de récupérer l’une des moitiés de sa paire de lunettes restée dans la cage. Il a fallu faire diversion à plusieurs reprises et se faire plus futé que le singe pour que César plonge prestement sa main dans l’antre du coquin et retrouve son bien que nous avons pus recoller de retour au camion.

 

            Dans la rue de Michel, les voisins, les gardiens, les personnels de maison (tous masculins) les chauffeurs, sont tous très gentils avec nous. Bagheera suscite toujours autant la curiosité et notre carte avec le trajet effectué à travers l’Afrique depuis notre départ de France est constamment source de nombreuses questions.

Ulysse trouve sans cesse de nombreux compagnons de jeux, et à lancer la balle du chien les militaires de garde de la maison du Général en oublient parfois un peu leur boulot. Max, un jeune dalmatien de 5 mois trouve auprès d’Ulysse un partenaire idéal pour courir et batifoler.

Mais notre chien est mine de rien sous notre haute surveillance, les Mouloubas, une des ethnies de RDC sont amateurs de viande canine. Pas touche à Ulysse, on regarde, on ne bouffe pas !

La population de la république Démocratique du Congo est composée de trois grands groupes de race noire : les bantous, les nilotiques et les pygmées divisés en près de 300 sous groupes ethniques.

            Christian un des chauffeurs du quartier a remarqué Audrey en photo dans le camion. Il revient un jour avec un bouquet de fleurs artificielles qu’Eve doit remettre à sa fille une fois rentrée en France. Il est prêt aussi à offrir à sa future « belle-mère » en guise de dote, des pagnes, du raphia, des babouches, du vin de palme (ça c’est plutôt pour le « beau-père ») et quelques chèvres en plus. Audrey est plutôt bien cotée sur le marché du mariage franco africain !

 

            Une famille musulmane habite le rez-de-chaussée de l’immeuble de Michel. Pendant plusieurs jours les islamistes célèbrent le jour de la mort du prophète Mahomet Tous les matins, de nombreuses femmes se rassemblent dans l’appartement pour y chanter et prier Allah. La maîtresse de maison nous fait souvent porter par Saphiadine, une de ses filles (pas voilée) de savoureux plats libanais aux saveurs exquises et parfumées.

Michel pour sa part, nous fait découvrir certains soirs quelques bons restaurants et nous passons également une agréable soirée familiale chez sa sœur, épouse d’un général. Mais c’est généralement au bar le Surcouf que nous terminons la plupart de nos soirées, retrouvant sa joyeuse bande d’amis : Caro, Isabelle, Antonio, Bob et les autres…

 

            Mardi 15 janvier. Si Kinshasa rime pour nous avec fiesta, il est néanmoins  temps de faire nos préparatifs de départ. Nous faisons nos adieux à Michel qui a été pour nous un hôte formidable, un homme qui, il y a quelques jours seulement nous ne connaissions ni d’Eve ni d’Adam mais qui est aujourd’hui un ami que nous espérons revoir et accueillir en France comme il se doit.  La rue semble triste de nous voir partir, nous laissons derrière nous avec un peu de regrets, César, Christian, Papa Oné, Augustin et Frédéric.

 

            Une fois l’immense et populeuse Kinshasa quittée (près de 5 millions d’habitants) la belle route goudronnée de Matadi serpente à travers les montagnes rondouillettes du Bas Congo. Au passage des villages, les enfants et les jeunes gens nous réclament à manger, nous le signifiant en se tapant des mains sur leurs ventres. Sur la route nous croisons de nombreux camions chargés de passagers installés sur des tonnes d’ananas, laissant dans leurs sillages des senteurs douces et sucrées de fruits mûrs.

 

            Nous bivouaquons à une vingtaine de kilomètres avant Matadi (05° 51’ 415S / 13° 33’ 730E) dans un étroit chemin desservant quelques jardins mais menant également aux canalisations de carburants qui partent de Matadi et franchissent champs, montagnes et plaines jusqu’à Kinshasa. Il fait lourd et les moustiques s’invitent chez nous.

 

Le lendemain, après quelques contrôles routiers où policiers et militaires réclament (avec le sourire) quelques petits présents (que nous refusons toujours de donner) nous arrivons auprès du petit marché de la ville devant le portail fermé du consulat d’Angola (05° 49’ 308S / 13° 27’ 774E). Pas de chance pour nous, aujourd’hui et demain sont deux jours fériés et nous ne le savions pas.

 

16 Janvier : commémoration de l’assassinat en 2001 de Laurent-Désiré Kabila.

17 janvier : commémoration de l’assassinat en 1961, 201 jours après l’accession du Congo à l’indépendance, du premier, Premier ministre du pays, Monsieur Patrice Emery Lumumba.

 

Un peu déconcertés, nous cherchons comment nous allons pouvoir remplir notre planning jusqu’à vendredi.

Nous décidons d’aller au bord de la mer à Muanda. C’est à plus de 200 bornes de Matadi mais comme il faut que nous attendions deux jours, cela vaut peut être la peine de faire tous ces kilomètres. A la sortie de Matadi le prix du péage du pont enjambant le fleuve Congo (900 francs congolais = 14 Euros) nous dissuade de continuer notre route vers l’océan Atlantique. Nous examinons notre carte routière nous demandant vraiment où aller. Le nom du village de Kinganga attire notre attention sans raison particulière à part le fait qu’il se trouve à proximité du fleuve Congo. Nous retournons de 70 kilomètres vers Kinshasa puis empruntons une piste de terre. Mais la jauge de carburant nous oblige  encore à modifier notre projet. Kinganga est à plus de 80 kilomètres, un rapide calcul, nous permet d’entrevoir l’angoisse d’une possible panne sèche si nous roulons de trop. En traversant le petit village de Tufu gare, nous croisons l’existence de Monsieur Georges, un drôle de personnage en costume cravate et lunettes de soleil de star !

 

            Monsieur Georges nous invite à passer la nuit dans le jardin de sa concession, nous y serons en parfaite sécurité nous annonce t’il. Nous arrivons alors dans un drôle de domaine et Eve se demande si nous avons bien fait de suivre cet inconnu un peu bizarre. Toutes les fenêtres de l’habitation sont bouchées avec des briques, deux pick-up Chevrolet gisent sans leurs roues dans la cour, la maison qui s’appelle « NAVIRE » semble en perdition ! L’intérieur de la demeure est poussiéreux, sombre et bordélique au possible. Monsieur Georges, enchanté d’avoir de la compagnie nous propose de dormir dans son lit. La seule vue de la chambre sordide et de l’odeur de moisie qui s’en dégage est à la limite de nous faire gerber. Le salon est un vrai capharnaüm, nous nous asseyons sur le canapé délabré du bout des fesses et essuyons rapidement nos verres dès que notre hôte tourne les talons pour aller chercher une bouteille de mauvais vin rouge. Monsieur Georges, 78 ans est un phénomène en son genre, né de l’union d’un papa israélite et d’une maman congolaise, il s’est marié deux fois et a eu 15 enfants. Aujourd’hui, il vit sans famille avec pour seule compagnie, Henry son « boy » Dans sa tanière, personne n’entre sans son autorisation, Monsieur Georges est continuellement sur ses gardes, il nous propose une arme à feu pour nous défendre en cas d’agression pendant la nuit ! Nous refusons tout net mais cela ne nous met pas trop en confiance.

            Monsieur Georges, avec son drôle d’accent, nous dévoile quelques bribes de sa vie que nous avons bien du mal à ordonner. A ses dires il a été, au temps de la colonisation du Congo, un grand fermier. Il possédait alors de grandes plantations de caféiers, de bananiers et d’hévéas (arbre utilisé pour son latex dont on tire le caoutchouc) des hangars, des magasins et beaucoup de personnel (5000 ouvriers dont 3 européens) il a également possédé un avion et des bateaux dont les reliques sont exposées devant l’entrée de sa maison. Toujours d’après ses récits, il y a quelques temps, pendant qu’il séjournait dans un hôpital en Afrique du Sud pour subir une opération chirurgicale, les villageois ont vidé sa demeure de ses frigos, congélateurs, panneaux solaires…

Eve, pour ne pas rester sous le porche tant l’odeur malsaine de moisi est insoutenable prétend avoir de la cuisine à faire et se réfugie dans son camion.

A la tombée de la nuit, nous sommes assaillis par des bandes de maringouins (très petits insectes piqueurs, cousins des moustiques mais tout aussi agressifs.)

 

            Jeudi 17 janvier. La nuit a été calme et sans incident, aucun rôdeur n’est venu troubler notre repos. Monsieur Georges que le sommeil emporte dans le courant de la matinée nous avoue avoir veillé toute la nuit, une arme a portée de main ! Malgré son insistance pour nous garder une journée supplémentaire, nous quittons les lieux et ce brave Monsieur Georges dont la paranoïa pourrait être contagieuse.

 

            Nous établissons notre bivouac de nuit à quelques kilomètres de Matadi, sur une petite colline verdoyante, toujours aux abords du pipeline de gas-oil mais bien cachés de la route nationale. (05° 51’ 332S / 13° 33’ 229E)

 

            Le vendredi matin, nous sommes devant le portail du consulat d’Angola un quart d’heure avant l’ouverture des locaux. Nous sommes tout d’abord reçus dans un minuscule bureau pour faire une demande manuscrite de demande de visas puis nous sommes conviés à patienter dans le jardin avant d’être appelés à attendre de nouveau dans un grand salon au canapé et aux fauteuils verts et aux accoudoirs et dossiers lourdement ouvragés et dorés.

Nous devons remplir des fiches : noms, prénoms, professions, etc. etc… de longues minutes plus tard, nous sommes finalement reçus par deux femmes qui nous questionnent et notent nos réponses sur d’autres fiches qui ressemblent a quelques choses prêts à celles que nous venons de remplir (histoire de vérifier si nous donnons les mêmes réponses). Elles se font pourtant plus indiscrètes en nous demandant le nom et l’age d’un oncle ou d’une tante et des frères et sœurs !?! Elles souhaitent également savoir si dans notre pays nous avons eu des activités politiques (nous répliquons par le négatif !) et si nos casiers judiciaires sont vierges (nous répondons par l’affirmatif) bref un véritable petit interrogatoire. Depuis notre arrivée au consulat, il s’est bien écoulé deux heures et nous sommes allégés de 80 Euros (90000 F/congolais) pour deux visas de transit de 5 jours cela fait plutôt cher. Administration oblige, nous ne récupérons nos passeports qu’à 14 heures 30.

 

            Nous passons la nuit sur un terre plein qui se révèle être le parking des douanes d’Ofida à quelques centaines de mètres du poste frontière Congo Angolais (05° 51’ 643S / 13° 26’ 162E). Marc décide un des douaniers de « travailler » et de nous remplir et tamponner rapidement le Carnet de Passage en Douane. Nous changeons nos francs congolais en Kwansas la monnaie angolaise.

Les enfants, une fois la terreur du chien passée, nous assaillent, deviennent vraiment trop envahissants et un rien désagréables, nous devons réellement nous fâcher et hausser le ton pour que les marmots regagnent leurs pénates à la nuit tombée.

 

            Samedi 19 janvier, 8 heures du matin. La frontière est calme, pas de camions, pas de voitures en attente devant la barrière. Dans le bureau sombre et ultra sobre des services de l’immigration, un fonctionnaire a bien du mal à recopier tous les éléments de nos passeports sur son registre, le pauvre homme aurait bien besoin de porter des lunettes.  Nous pensons que les formalités vont être faites rapidement mais nous n’avons à faire qu’à un sbire, le supérieur hiérarchique n’est pas encore arrivé.

L’attente rend Marc grognon et nerveux,  Eve résignée, sachant qu’il ne sert à rien de s’exciter comme des puces, s’assoie près de Bagheera et pour passer le temps regarde les vendeuses de fruits et de légumes s’installer entre les deux postes frontières. Elles arrivent les bras chargés de régimes de bananes encore vertes ou de racines de manioc et de lourds sacs d’épinards posés sur la tête. L’une d’entre elle propose des chenilles vivantes qui grouillent dans un sachet plastique. Il paraît que c’est délicieux quand c’est grillé, Euh ! Pas cette fois, merci !

A 9 heures, le capitaine se décide enfin à venir bosser. Marc fait les cent pas toujours de plus en plus grincheux. Il commence à hausser le ton lorsqu’on nous déclare que le capitaine doit faire sa prière avant de signer nos passeports, là c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Peut être que le capitaine a entendu les vociférations du touriste français, en tout cas, il reporte de quelques secondes sa prière (probablement à Allah) et nous tend nos papiers signés par sa fenêtre.

 

            La barrière s’ouvre enfin, nous apercevons les locaux frontaliers côté angolais. Le dictionnaire Français Portugais en mains, nous allons maintenant « affronter » de nouvelles autorités.

 

Tchao et mille bisous à vous.

 

 

Eve, Marc et Ulysse.



20/10/2008
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