Bagheerafrica

Baobab n°26 l'Angola 1/2

Le Baobab N° 26 (Angola)

 

 

 

L'Angola, anciennement Afrique occidentale portugaise a obtenus son indépendance le 11 novembre 1975.

 

Samedi 19 janvier. Noqui, tel est le nom de ce calme petit village frontalier angolais. Les bureaux du service de l'immigration sont tout juste ouverts, l'employé prend son temps pour ouvrir les larges volets de la maisonnette avant de tranquillement s'installer à son bureau de bois pour tamponner tout aussi flegmatiquement nos passeports.

Quelques mètres plus loin, les locaux des douaniers sont vides. Un militaire nous demande de patienter ce qui n'est pas pour calmer Marc qui ne tient toujours pas en place.

Pendant ce temps, le soleil continue son immuable progression dans le ciel bleu azur promettant une journée très chaude. Au bout de longues minutes, nous sommes « réquisitionnés » pour aller avec Bagheera et un jeune policier, chercher le chef douanier chez lui. Ce brave fonctionnaire a « paraît-il » du mal à se déplacer physiquement mais à le voir marcher, on ne dirait vraiment pas qu'il est soufrant ! Après avoir fouiller et farfouiller dans sa mallette d'ordinateur portable le chef douanier trouve enfin sa clé de bureau et peut alors rapidement tamponner et signer notre CDPD.

 

 

Les méandres du fleuve Congo disparaissent vite à nos yeux, le goudron se fait vite oublier, la piste prend vite des allures de galère.

Toujours sans direction assistée, Bagheera et son « maître » se battent pour passer au mieux les bourbiers et les crevasses. Les cailloux démantibulent notre pauvre véhicule qui se tord de douleurs. Le pare-brise se redéfait, baillant de nouveau dangereusement. Les côtes et les descentes s'enchaînent sans laisser aucun répit à notre case roulante qui grince de se voir ainsi durement malmenée. Lors d'une montée, les creux sont si nombreux et profonds qu'il ne faut absolument pas que Bagheera stoppe et se plante dans les trous. Durant quelques minutes, c'est l'enfer à bord, le moteur rugit en première vitesse, la caisse oscille de droite à gauche et de gauche à droite, l'avant se cabre avant de retomber lourdement sur la piste, la tôle grince, le plastique craque. Sous les chocs violents les portes des équipés et des armoires s'ouvrent avec fracas. Des boites de conserves se retrouvent projetées au sol, la vaisselle (heureusement en plastique) en équilibre sur les étagères s'éparpillent sur le lino. Ulysse effrayé et effaré se réfugie devant sa maîtresse, le museau dans son pagne. Nous n'en menons pas large nous non plus. Nous souffrons en même temps que Bagheera qui se sort une nouvelle fois vainqueur mais au risque d'y avoir laissé sa carcasse sur le bord de cette redoutable partie de piste africaine.

Le mauvais état de la piste nous rend soucieux et l'apparente hostilité que nous vouent les autochtones nous préoccupe. Nos saluts amicaux ne déclenchent que très peu de sourires et guère de gestes de gentillesse de la part des angolais que nous croisons dans les villages de brousse. Après de nombreuses années de guerre civile, la misère s'est enracinée dans l'âme des habitants de l'Angola et le passage des quelques touristes qui osent traverser cette région laisse indifférents la plupart des indigents dont les conditions de vie sont extrêmement précaires.

 

Nous cherchons désespérément un bivouac. À la vue de l'accueil qui nous est réservé, nous hésitons à nous arrêter près des villages. Mais le soleil continue inexorablement sa descente vers l'ouest sans que nous puissions stopper le véhicule. La pénombre gagne la brousse petit à petit, nous roulons maintenant phares allumés sur une piste un peu moins accidentée.

N'ayant pratiquement plus de choix pour bivouaquer nous garons Bagheera sur le terre-plein d'une école en construction. Nous y sommes très bien accueillis par l'équipe des peintres et nous passons une très bonne nuit sans être importunés. (06°35'685 S 13°29'926 E)

 

Le lendemain, c'est bien reposés et plus détendus que nous reprenons la piste (toujours difficile mais moins périlleuse qu'hier) vers Tombocco.

Pendus dans les arbres en pleine forêt ou suspendus près des maisons dans les villages, nous remarquons de drôles de petits pièges en tissus bleus où sont capturés de nombreux insectes volants non identifiés. Il fait chaud, lorsque la piste le permet, nous roulons à vive allure, entre 40 et 60 km/h, et quand le terrain devient accidenté, nous lambinons aux alentours de 20 km/h. C'est le moment choisi pour que de vilaines mouches qui ressemblent à des taons, entrent dans notre véhicule et nous piquent sans vergogne car nous ne les sentons pas se poser sur nous. La tapette (à mouche) s'abat violemment sur les vilaines piqueuses mais une bestiole de morte est vite remplacée par sa sœur. Le seul moyen de nous protéger de cette agression en règle est de rouler les vitres fermées et suer à grosses gouttes dans l'habitacle surchauffé. Marc qui conduit est plus vulnérable aux piqures. Il se fait piquer au cou, au coude gauche et au pied !!!! Horreur ! Il gonfle presque à vue d'œil.

Quelles sont ces satanées bêtes ? Tout simplement une variété de mouche Tsé Tsé, et les pièges que nous avons vus en forêt servent à capturer ces insectes parasites.

Sans aucun traitement médical, Marc met du temps à désenfler. Au fil des jours, son état de santé n'empire pas et il ne présente aucun signe de trouble digestif ni de sommeil, mais ne pouvant momentanément plus conduire, c'est Eve qui prend le volant.

 

A Tombocco, nous pouvons enfin refaire un peu de ravitaillement au marché local. Nous n'avons pas de petite pièce de kwanza et il est bien difficile d'avoir de la monnaie pour acheter du pain, un ananas (juteux et sucré à souhait) des beignets (un peu gras) et deux bières fraiches.

La piste que les angolais pourraient appeler route, est, jusqu'à N'Zeto beaucoup plus large, moins caillouteuse mais plus tôlée et ondulée que celle que nous avons empruntée depuis la frontière.

N'Zéto, ville du bord de mer ressemble un peu à une ville fantôme malgré ses habitants qui déambulent sur ses larges avenues délabrées et non entretenues. Beaucoup de maisons construites au cours de la période de colonisation portugaise sont à l'abandon. Les guerres puis les années de misère ont éventrés les portes, cassés les vitres des fenêtres et décolorées les façades peintes jadis de couleurs vives. Quelques belles demeures sont en cours de restauration, certaines entièrement rénovées abritent des locaux administratifs.

Nous tentons notre chance dans une station service dont les pompes ne doivent plus fonctionner depuis des lustres, une fillette d'une dizaine d'années y fait office de pompiste. Les bidons de gas-oil crasseux sont entreposés dans un couloir sombre qui semble appartenir à la demeure des parents de la gamine. Comme nous nous y attendions le prix du litre de carburant est très cher.

 

Nous longeons la côte atlantique de l'Angola mais l'océan semble inaccessible. A une vingtaine de kilomètres d'Ambriz, Eve qui est au volant croit rêver. Devant elle se dessine un magnifique ruban d'asphalte. Le rêve est bien réalité mais il est bref et cela devient le cauchemar.

Le bitume est éclaté, de gros nids de poule aux bords francs parsèment la soi-disant route et les bas-côtés ressemblent plus à des fossés qu'à des bermes. Il faut souvent stopper le véhicule avant de s'engager lentement d'un côté ou d'un autre de la chaussée détériorée en choisissant souvent le moins pire du pire.

Peu avant Ambriz, nous quittons sans regret le goudron et bifurquons sur une petite piste sablonneuse vers Kapulo qu'une minuscule pancarte indique à 18 kms.

Le petit chemin se rapproche doucement du rivage jusqu'à la crique que nous cherchions (07°55'117 S - 13°08'909 N- donnés pas Africacy dans leur carnet de voyage) elle nous apparaît du haut de la colline dans toute sa splendeur et sa solitude. Il est trop tard pour se baigner, nous nous installons pour y passer une nuit tranquille.

 

Lundi 21 janvier : Nous effectuons une visite rapide dans la ville d'Ambriz. Cette citée qui a dû être animée et prospère semble aujourd'hui un peu endormie malgré les quelques boutiques qui derrière leurs rideaux de fer proposent, huile, conserves, condiments, lessive, savon…. Une armada de jardiniers s'affaire à désherber, planter et arroser un immense terre-plein, qui sépare la large avenue menant à la mer. Des bâtiments coloniaux révélant encore un peu les fastes d'antan ne demandent qu'à revivre. Mais à quel coût et pour qui ?

 

L'arrivée à Luanda se fait sous la chaleur et dans les embouteillages. Notre première vision de la capitale est l'impressionnant bidonville qui surplombe une des avenues qui mènent au centre ville. Les baraques s'entassent par milliers sur plusieurs paliers. Les ordures sont déversées à ciel ouvert et une odeur pestilentielle se dégage de cette fourmilière humaine.

Dans les stations service, les files d'attente sont coutumières, des mômes viennent  remplir de carburant des bouteilles et jerricans en plastiques.

Sans chercher à visiter la ville nous nous rendons le plus rapidement que nous pouvons au Clube Nautico Da Ilha de Luanda (08°47'997 S - 13°13'448 E) qui est situé juste avant le Club Naval qui accueille également des voyageurs. Nous nous installons sur le parking du club, à quelques mètres de la marina et nous sommes heureux de retrouver une ambiance maritime et tous ces nombreux voiliers amarrés sur pontons ou ancrés dans la baie. Nous avons la possibilité de pendre des douches. Bon, il faut accepter de partager les toilettes et les chiottes avec le personnel du club et non les membres. La gratuité se paie ! A la nuit tombée, notre environnement se trouve un peu moins agréable car les cafards et les rats sont nos voisins de bivouacs.

 

Mardi 22 janvier : après une bonne nuit, nous sommes prêts à affronter les fonctionnaires du service de l'immigration pour notre demande de prolongation de visa. Il nous faut obtenir un délai supplémentaire pour atteindre la frontière de la Namibie.

Le commissariat à l'immigration se trouve dans le quartier de l'hôtel Continental qui se voit de loin. Nous ne pouvons pas garer Bagheera à proximité mais dans les rues avoisinantes, il y a toujours de la place et le gardien qui va avec.

Nous arrivons dans une cour bondée de monde et entourée de bureaux. Toutes les inscriptions sont en portugais et le petit Harraps n'est pas d'une grande utilité. Nous nous sentons un rien désemparé et devant notre désarroi (qui doit être visible) quelques angolais ont pitié de nous, pauvres touristes blancs. Le circuit à suivre n'est pas des plus simples et pour résumer, si cela est possible, le jeu de piste se déroule ainsi :

 Il faut tout d'abord faire la queue au guichet banque pour payer la prolongation du visa (50$ US+800 Kwanzas pour 15 jours pour 2)  nous bénéficions d'un régime de faveur, non pas pour le prix mais pour shunter la file d'attente. Avec le reçu, nous devons de nouveau faire la queue devant un petit guichet pour obtenir un tas de formulaires multicolore à remplir. Le plus dure est de trouver un petit coin où s'installer pour écrire, il n'y a plus de place sur les bancs et nous sommes contraints, comme beaucoup de monde à nous installer à même le sol. Il faut ensuite trouver l'autre bon guichet, celui où déposer les deux dossiers dûment remplis et signés. Là, alors que nous espérions nos visas dans les minutes qui suivent, nous nous entendons dire qu'il va nous falloir attendre deux jours. Deux jours, ce n'est pas encore la mer à boire !

 

Le soleil a chassé les nuages de début de journée, il fait très lourd. C'est le temps idéal pour aller à la plage proche du Club Nautique. De loin, la grande plage de sable blond est attrayante et nous sommes pressés de nous jeter à l'eau, mais au vu des détritus et sacs plastiques jonchant la surface de la mer à côté de la jetée, l'envie nous quitte. Nous nous éloignons le plus loin possible des déchets et ce jour là, il n'y a qu'Ulysse qui a le privilège de la baignade. Comme à son habitude, il attire à lui quelques bambins qui s'en donnent à cœur joie de lui lancer son bâton à l'eau.

Les vêtements crasseux se sont accumulés dans le filet de linge sale du camion et Eve est heureuse de trouver une lingère, Suzette (il a fallu s'adresser au restaurant le plus proche) qui pour quelques Kwanzas lui lave son linge (500 Kwz environ 5 euros pour un grand sac)

 

Le jour suivant, la chaleur cohabite avec les averses de pluie. Marc qui en est arrivé à appliquer de la pommade antibiotique sur les endroits enflés par les piqures de mouches Tsé Tsé se lance une énième fois à la réparation de cette fichue direction assistée et pour la énième fois, n'y réussit pas !

Nous profitons de ce temps libre pour trouver le supermarché NOSSOSUPER (situé à l'entrée de Luanda en venant du nord) nous y trouvons beaucoup de produit portugais et la bière locale : la CUCA.

Au pied des bidonvilles, les enfants jouent dans les détritus humides et fétides, les femmes viennent puiser de l'eau stockées dans de grands fûts. Chargées de bassines ou de bidons en plastiques sur la tête elles repartent à flan de colline rejoindre leurs maisonnettes, telles des fourmis en file indienne.

Le soleil n'est pas vaillant aujourd'hui, les batteries ont du mal à être correctement chargées par les panneaux solaires. Nous trouvons moyen de nous brancher sur une rallonge électrique de chantier du club pour pouvoir faire fonctionner correctement le frigo.

 

Lundi 24 janvier : le camion est rangé comme pour son départ, c'est normal puisque nous allons au service de l'immigration récupérer nos passeports ! Nous faisons nos adieux aux gardiens du parking qui sont très gentils et à Richard, un jeune motard anglais qui fait le tour de l'Afrique avec une vieille bécane mais dans le sens contraire de nous.

Il est 8 heures 30, les bureaux ne sont pas encore tout à fait ouvert, le service de nettoyage n'a pas fini. Au guichet 1, nous tendons timidement notre fiche pour avoir nos papiers. Au lieu de cela, la fonctionnaire pétasse sans sourire, nous le redonne après y avoir noté au dos la date du jour et après nous avoir fait plus ou moins comprendre qu'il faut revenir lundi car demain vendredi c'est jour férié. Il ne manquait plus que cela ! Nous faisons évidemment un pataquès mais le regard impassible de la guichetière nous montre que personne n'a que faire de nos réclamations. On nous demande tout de même de patienter une demi-heure qui se transforme vite en une heure puis en deux heures. A chaque demande on nous répond que quelqu'un s'occupe de notre dossier, mais ou est ce quelqu'un ? A 11 heures 30, le soi-disant quelqu'un revient les mains vides nous expliquant qu'il n'y a aucun responsable pour signer les visas !!! Nous avons beau supplier, râler, implorer, rien n'y fait. Nous faisons alors comme des centaines de demandeurs de papiers, nous quittons le commissariat blasés et soumis. Dans cette situation, nous pouvons comprendre le désarroi des étrangers en demande de régularisation en France !!!

 

Nous revenons à notre emplacement au Club Nautique, sous l'œil amusé de Richard et des gardiens. Pour nous détendre, nous retournons à la plage qui aujourd'hui est plus propre et nous pataugeons cette fois ci avec Ulysse.

 

Vendredi, c'est donc le début d'un long weekend, il y a beaucoup de monde sur les pontons de la marina. Nous mettons à profit ces trois jours pour nous reposer, visiter l'extrémité très touristique de l'Ilha de Luanda, ou restos et bars se succèdent le long de l'immense plage qui est noire de monde !! Nous sommes les deux seuls blancs, même Ulysse de par sa couleur fait partie de la majorité. Sa présence fait un peu le vide autour de nous et les angolais gardent leurs distance, seuls quelques gamins osent venir jouer avec lui. Nous trouvons un cyber café qui fonctionne très bien et est rapide. (200 Kwanzas l'heure. 08° 47' 302S – 13° 17' 762E)

A la marina, alors que nous revenons de notre douche de fin de journée, nous nous arrêtons faire les curieux devant un groupe de pêcheurs en admiration devant leur butin. L'un d'eux, José-Manuel, nous entendant parler français et connaissant notre langue nous offre une très belle daurade qu'Eve fera mijoter pour le diner.

 

Lundi 28 janvier : Départ deuxième !! Nous refaisons nos adieux en croisant les doigts. A 9 heures nous entrons dans la cour du commissariat à l'immigration où il y a toujours autant de monde. Au guichet 1, la même pétasse avec son air revêche, nous refait le coup identique du jeudi. Les passeports ne sont pas là, il faut revenir. Bien décidés à ne pas bouger des lieux avant d'avoir récupérer nos papiers, quitte à perdre une journée, nous prenons notre mal en patience et attendons comme tout le monde le bon vouloir de l'administration. Nous avons le temps d'observer les va et vient des demandeurs de papiers qui comme nous se font refouler sans explications devant ce terrible guichet 1. Heureusement que les asiatiques qui travaillent très nombreux sur les infrastructures routières du pays envoient des émissaires pour récupérer leurs passeports car dans la cour se serait vite une marée jaune.

Sur des bancs inconfortables et sous la chaleur, nous attendons, nous patientons, nous espérons, nous sollicitons, mais rien n'y fait. Le tourisme n'est vraiment pas une priorité en Angola. Marc qui, pour ne pas « exploser » s'est plongé pendant ces longues heures dans un bouquin finit par rechercher un responsable que nous avions vu le premier jour. Nous voyant toujours présents, il remue les puces à un petit fonctionnaire qui se voit obligé (sûrement de mauvais gré) à la recherche illico de nos papiers. Il est 15 heures 30 lorsqu'il revient avec nos passeports. Les visas sont datés l'un du 23 et l'autre du 24 janvier ; nous les avons pourtant déposé en même temps mais la date d'expiration du premier est le 3 février et le second le 7 !!!!

CCAA : C'est Cela l'Administration Africaine.

 

Il est trop tard pour quitter la ville et chercher un bivouac, nous retournons au Club Nautique pour une dernière nuit.

 

Mille bisous à vous, Eve, marc et Ulysse.

  

          

      



20/10/2008
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