Bagheerafrica

Baobab n°10 Le Burkina Faso - 4/4

Le Baobab N° 10 (Burkina Faso)

 

 

            Bagheera est de nouveau en état de circuler, c'est à dire que tout a repris sa place et que tout est de nouveau bien calé. Nous prenons la route de Kaya.

 

            Les récoltes de mil et d'arachides sont commencées. Les champs n'arborent plus leur parure verte de végétation luxuriante mais le jaune et le brun qui annoncent la maturité et les moissons proches. Les mares encore pleines d'eau couleur de terre sont des lieux de rassemblement pour les troupeaux d'animaux en tout genre, pour les femmes qui y lavent le linge, pour les hommes venus remplir de nombreux bidons en plastique et pour les enfants qui s'y baignent avec bonheur et grand cris de joies. 

 

            La chaleur est toujours pesante, nous consommons toujours beaucoup d'eau avec ou sans sirop. Les sirops locaux, bissap, bissap-gingembre ou citron-gingembre sont très désaltérants. Mais les deux moments les plus attendus de la journée sont ceux où, tranquillement, nous savourons la bière fraîche (juste avant de déjeuner de midi et dès que nous nous arrêtons pour le bivouac du soir). La chaleur étant très élevée, le réfrigérateur fonctionne pratiquement toute la journée. Nous mettons la bouteille de bière au freezer quelques temps avant de la déguster, mais chose incroyable, ce précieux breuvage semble s'évaporer dès l'ouverture, et nos gobelets une fois vidés, nous nous demandons si nous avons réellement bût ou si ce goût agréable à nos palais n'était qu'illusion. A voir le nombre de canettes ou de bouteilles vides, nous savons, que ces instants désaltèrants sont bien réels mais si rapides !

            Par ce temps chaud et lourd, Ulysse ne trouve son refuge qu'allonger dans le coin toilette du camion à l'ombre, sa tête reposant nonchalamment sur le petit banc africain de Mamadou. 

 

            Nous retrouvons les plénitudes des nuits en brousse, pas de klaxonnes, pas de muezzins (ou alors très très loin) pas de musique, pas de lumières de lampadaires, seulement ce soir, la clarté éblouissante d'un beau clair de lune.

Mais en Afrique, la brousse n'est jamais totalement inhabitée. Au loin, le tout petit point lumineux d'une lampe torche trahi la présence d'un village, que nous n'avions pas vu en plein jour. Et c'est comme cela que dès le lendemain matin, nous avons la visite de trois petits bergers, qui après dissipation de la peur ancestrale des chiens, jouent à la balle ave Ulysse.

Avant de reprendre la piste, nous laissons à chacun d'eux une bouteille de lait en plastique que nous gardons une fois vide. Ces bouteilles sont plus appréciées par les enfants que les canettes de bières vides. Elles leur servent de petits bidons d'eau pour passer la journée en brousse car ces bambins restent toute la journée avec leurs troupeaux de chèvres ou de buffles, loin de la case familiale.

 

            La piste jusqu'à Gorom-Gorom est de plus en plus défoncée, il y a deux importants chantiers de construction de pont et de radier en cours de réalisation.

Dans la ville, nous sommes sollicités par de jeunes gens qui veulent nous accompagner jusqu'à Oursi, un site touristique, mais ce n'est pas notre destination et de toute façon, nous ne prenons jamais de guides, sauf sur place si cela s'avère nécessaire ou obligatoire.

            L'ombre bienfaitrice d'un arganier nous accueille le temps de la pause déjeuner. Il fait 45° à l'ombre ! Après le repas, nous faisons une tentative de sieste à l'extérieur du camion mais le vent est tellement chaud qu'il nous est impossible de dormir ni même de sommeiller tranquillement.

 

            Les coordonnées du GPS, nous mènent sans aucunes difficultés à l'école de Beiga où nous avons déjà fait un bref séjour lors de notre voyage dernier. Nous avions alors promis à l'équipe enseignante de faire tout notre possible pour amorcer des correspondances entre élèves français et élèves burkinabés ainsi que leur procurer des livres pour commencer une bibliothèque scolaire. Notre première promesse n'a pas abouti mais nous avons mené à bien la seconde.

            Le directeur Ismaël ainsi que Diendéré un des instituteurs et Bukari le remplaçant de Mohamed affecté dans une école du sahel, sont présents dans une des classes. Ils sont tout d'abord surpris de nous revoir de si tôt, ils pensent que nous n'avons pas pus retourner en France !

La nouvelle de l'arrivée du camion jaune fait vite le tour des concessions proches et les enfants affluent.

Comme à Sidi et Saré, nous ne sommes pas revenus les mains vides. Il y a bien sûr la distribution des photos de classes, des portraits des élèves et plusieurs cartons d'albums et livres pour enfants de tous ages. Ces livres nous ont été gracieusement offerts par la bibliothèque du Conseil général de la Sarthe où travaille notre amie Marie-France qui depuis plusieurs années se bat continuellement pour que les livres destinés au pilon, alors qu'ils sont encore en bon état, ne soient plus détruits, mais donner à des associations pour les plus démunis que ce soit en France ou à l'étranger. C'est par l'intermédiaire de Jean-pierre, un autre de nos potes, et de son Asso, que nous avons pu récupérer tous ces bouquins que nous livrons aujourd'hui à la petite école de Beiga perdue dans le Sahel du Burkina. Nous avions pour notre part fait un stock important de crayons de couleurs et de taille crayon ! Didier le frère aîné d'Eve, agent commercial à EDF/GDF (heu ! non ! maintenant c'est soit l'un, soit l'autre !) a donné une bonne quantité de crayons à bille et Chris, notre amie du trésor public (la même que pour les peluches de l'orphelinat) nous a confié pour l'école, deux cartons de papier imprimante qui servira de feuilles de brouillons ou de dessins pour ces petits écoliers qui n'ont qu'un seul cahier par an.

Nous nous excusons de l'état de certains livres qui ont malheureusement pris l'eau durant notre voyage et que nous avons fait sécher tant bien que mal. Ismaël nous montre l'état de délabrement dans lequel se trouvent les quelques livres de lecture qu'ils possèdent! Et même si parmi ces quelques bouquins venus de France, certains ont des pages jaunies, cornées ou un peu griffonnées, ils sont très heureux de pouvoirs constituer un début de bibliothèque et favoriser ainsi la lecture pour les élèves.

Ismaël marque cette phrase sur notre livre d'Or. Nous informons qu'en Afrique, un livre ne suffit pas, ne se brûle pas et ne se jette pas, donc permettons leur écoulement en afrique.

 

            Les notables sont également avertis de notre présence et de notre précieuse livraison. Nous recevons les remerciements chaleureux d'un des représentants des parents d'élèves (qui ne parle, ni n'écrit le français !) et d'un des deux conseillers du village de Beiga qui s'étend sur un rayon d'environ 10 kilomètres autour de l'école en 22 quartiers et 8000 habitants. Ce n'est donc pas étonnant encore une fois que l'éloignement des habitations rebute certains enfants à venir en classe chaque jour et comme les familles ne pensent pas toutes encore que l'éducation des enfants est une chose primordiale, il y a parfois en classe un fort taux d'absentéisme. D'autant plus que les travaux des champs au moment des récoltes demandent de la petite main d'œuvre !

 

            Nous installons Bagheera auprès de la maison d'Ismaël. Le directeur et les deux instituteurs vivent sur place, ils sont tous les trois célibataires. Ici, étant donné la dureté de la vie pour les femmes, il est très difficile d'en faire venir une de la ville et se marier avec une jeune villageoise n'est pas possible car les petites filles dès l'age de huit ans sont « réservées » par des hommes beaucoup plus âgés qu'elles, pour leur futur mariage à partir de douze ans. Elles deviennent alors troisième ou quatrième épouse et quitte la plupart du temps l'école si elle ont eu la chance d'y aller !

 

            Nous dînons en compagnie d'Ismaël, de Diendéré et de Boukari. Le repas du soir simple mais coutumier se compose de pâtes, de haricots et de couscous de maïs.

Autour de la lampe à huile, de grandes discussions politiques, économiques et sociales de nos deux pays s'engagent. C'est dans de tels moments que nous évaluons réellement les profondes différences qui nous séparent. Malgré certaines évolutions voulues et espérées par nos trois amis burkinabés, nous sentons bien que les coutumes ancestrales africaines et ethniques pèsent encore beaucoup sur les générations surtout sur les questions du mariage et l'égalité homme-femme. Les petites filles africaines ont encore beaucoup d'années à subir le joug de ces messieurs, il leur faut énormément de courage et de détermination pour arriver à s'émanciper.

 

            C'est lundi et la classe reprend. De par notre présence, les enfants ne sont pas en retard en classe, mais aujourd'hui les cours sont en partie perturbés surtout pour les élèves des grandes sections CM1 – CM2 de la classe d'Ismaël qui tient absolument à nous présenter au second conseiller du village pour qu'il n'y ait pas de jaloux.

            Maha, un vieil homme aux yeux étonnamment brillants nous accueille gentiment en nous proposant le thé que nous ne refusons pas. Les jeunes filles et jeunes femmes sont vêtues et coiffées traditionnellement, Eve ose demander de les prendre en photos ce qui lui est accordé, les femmes sont belles et rieuses.

 

            De retour près de la maison d'Ismaël, Eve prépare pour le repas de midi une grande salade de riz, de thon, de tomates et d'œufs durs. De son côté, Diendéré (tout en assurant ses cours en classe) cuisine une poule en sauce.

Pendant ce temps Marc et Ismaël trient les livres par genre et par age pour les répartir dans les trois classes.

            Les cours ne reprennent qu'à 15 heures. Nous déjeunons tranquillement avec l'équipe enseignante. Certains enfants, à cause de la grande distance qui sépare l'école de leur maison, ne peuvent pas rentrer chez eux le midi, où alors si ils rentrent ils risquent de ne pas revenir en classe l'après-midi. Trois gamins s'installent silencieusement à l'ombre du camion, ils n'ont rien à manger ! Il nous reste un peu de salade de riz, nous ne pouvons les laisser les ventres vides alors que nous, nous venons de manger tout notre saoul devant eux.

 

            Ismaël, toujours très soucieux des convenances et des coutumes, nous conduit chez le premier conseiller du village pour lui faire nos adieux. Il n'est pas chez lui, nous ne rencontrons que deux vieilles femmes et sa toute nouvelle troisième co-épouse de 19 ans alors que lui en a plus de 60 !

 

            Nous quittons l'école de Beiga et ses petits écoliers dotés d'une toute nouvelle bibliothèque, une goutte d'eau ! Non, plutôt un grain de sable dans cet univers désertique et oublié du Sahel du Burkina Faso. Nous souhaitons réellement qu'ils en feront bon usage et que la lecture sur de jolis livres imagés permettra à certains enfants de s'ouvrir sur un monde extérieur si différents du leur et leur donnera envie de toujours vouloir apprendre plus. Nous espérons pouvoir d'une manière ou d'une autre, renouveler l'opération en ciblant cette fois-ci les ouvrages : romans, livres de découvertes sur l'univers et les nouvelles technologies, ouvrages sur la nature, etc. etc. 

 

            Mardi 30 octobre. Nous faisons quelques emplettes de produits frais au marché de Dori avec, collé à nos basques, un jeune garçon voulant absolument nous mener dans le quartier artisanal. Il veut également nous accompagner pour nous aider à trouver la piste qui mène à Sitenga, le poste frontière du Burkina. Il n'y a rien de tel pour nous énerver, mais nous restons zen ! Il y a suffisamment de monde (totalement inintéressé) sur la route pour nous indiquer la bonne direction. Nous trouvons rapidement de petites pistes sablonneuses traversant de multiples villages minuscules que nous passons sous les cris de joie de la population locale. Mais les pistes qui deviennent des pistes à « chariottes » ou à vélo partent dans toutes les directions. Nous nous assurons sans arrêt que nous allons bien vers Sitenga ! Pour eux, c'est toujours tout droit.

            Les lits des rivières sont à sec, la chaleur du milieu de la journée rend le sable brûlant très mou et cela nous vaut notre premier ensablement et de terribles efforts physiques en plein cagnard. Il faut racler le sable devant les roues arrière (c'est là que nous apprécions la raclette à fumier plutôt que la pelle) et placer les lourdes plaques d'envol. Bagheera hoquette, rugi, fait quelques mètres et se replante dans le sable. Re-raclage, re-positionnement des plaques, re-hoquettement, re-rugissement et cette fois, Bagheera regagne doucement le sol plus dur. Mais les efforts ne sont pas finis, il faut ramener les plaques laissées au milieu du lit de l'ex rivière et les remettre sur le côté du véhicule.

 

            Les démarches policières à Sitenga se font dans le calme et la bonne humeur et pourtant, nous dérangeons les policiers en pleine partie de scrabble. Les formalités à la douane située très en dehors de la ville se font sans plus de problèmes. Ils ne voient pas tellement de touristes sur cette piste, mais il paraît qu'elle va être goudronnée ! Mais personne ne sait quand !

 

            Cinq kilomètres après le passage de la douane, on s'ensable de nouveau au passage d'une autre rivière à sec, rebelote, vous connaissez le refrain…..et ça repart !

Nous roulons en 4X4 en permanence, voire en vitesse courte pour faciliter les passages délicats.

 

            Nous sommes entre le Burkina Faso et la frontière du Niger. Les autochtones qui ne parlent pas tous le français ne savent pas nous dire s'ils sont burkinabés ou nigériens.

            Vers 16 heures, nous dégotons le coin idéal pour établir le bivouac de nuit. Pas de cultures mais de grands arbres pour nous faire de l'ombre, un vrai parc (13°58'298N / 0° 30'084E) c'est l'endroit parfait pour nous remettre de nos deux ensablements et savourer une bière fraîche.

 

            Un homme plus curieux que les autres vient faire connaissance, il est touareg, il nous apprend que nous sommes bien sur le territoire nigérien. Les touaregs ayant, pendant la saison des pluies, émigrés vers le nord avec familles et troupeaux de chèvres et de buffles, sont, maintenant, que les récoltes sont commencées voire dans certains champs terminées,  revenus s'installer dans la région pour y rebâtir leurs cases de fortune, le temps de la saisons sèche.

 

Salut adorable Burkina, Bonjour Niger !

 

 

Bisous à vous, Eve, Marc et Ulysse.



26/02/2008
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