Bagheerafrica

Chapa n° 6 La Tanzanie

Le Chapa N° 06. (Tanzanie)

 

 

 

Dimanche 7 décembre. De bonne heure le matin, nous récupérons Dany et Taïre devant la porte de leur « Guesthouse » nous prenons le chemin de la frontière.

Côté Malawi, à Songwe Border Post, les formalités vont très vite à partir du moment où il y a du personnel derrière les guichets. Les agents de change sont rapidement sur nos basques et semblent ne pas vouloir nous lâcher de sitôt.

Quelques centaines de mètres plus loin, c’est déjà kasumulu, le poste tanzanien. Pour les visas, c’est rapidement expédié moyennant 50 $ US par personne. Le visa est valable trois mois et si au cours de ce laps de temps, nous sortons du pays pour nous rendre au Kenya, en Ouganda, au Burundi ou au Rwanda, nous n’aurons pas à repayer si nous voulons revenir en Tanzanie. Pendant que je négocie le tarif de la « yellow card » (assurance) Marc fait tamponner le Carnet de Passage en Douane et s’acquitte du montant de la taxe routière (voir détails dans le bilan du pays)

Nous retrouvons par hasard Jean-Philippe et son Land Rover, nous décidons de faire un bout de route ensemble, c’est à dire probablement jusqu’à Dar es Salam.

Pendant ce temps, les agents de change sont toujours sur notre dos malgré la grande pancarte qui interdit ce genre de trafic dans l’enceinte du poste frontière. Le bureau de change officiel affiche 7,2 shillings tanzaniens pour 1 Kwacha (monnaie du Malawi) au black cela se négocie à 7,5. Mais voilà, ces petits roublards pour nous tromper calculent (avec leurs propres calculettes de poche) en multipliant par 7,05. Nous ne sommes pas dupes, le ton monte, nous ne voulons plus rien changer mais ils nous collent jusqu’à nous retrancher sur le coté des bâtiments. Finalement, nous concrétisons et faisons affaire rapidement au taux quasi officiel de 7,5. Le rabatteur me tend 75 000 shilling tanzanien que je compte et recompte sous ses yeux, je sors alors rapidement de ma besace une liasse (toute prête) d’un montant de 10 000 kwachas. En même temps, un vendeur de carte Sim pour téléphone nous serine les oreilles et un agent de la sécurité arrive en trombe nous signalant, avec son geste sans équivoque de ses poignets croisés que nous sommes hors la loi. Tout le monde déguerpit, nous montons vite à bord de Bagheera sous les vociférations de l’agent de change illégal qui prétend que je ne lui ais pas donné la bonne somme. Non, mais j’y crois pas, il me traite de voleuse le bougre ! Nous refusons d’entrer dans son jeu, d’autant plus que juste avant le moment d’être pourchassé par le vigil, Marc a aperçu le manège malhonnête du receleur qui voulait ôter de ma liasse quelques billets pour les mettre dans sa poche. Sortis des limites du poste frontière ils nous poursuivent toujours et veulent que je reprenne mon argent (bien sur pas les 10 000 puisqu’il en a fauché) nous sommes obligés de fermer les portières du camion pour être tranquilles car leurs mines maintenant hargneuses ne nous plaisent pas du tout. Nous attendons Dany qui est parti à la recherche de son « pourvoyeur » qui pendant sa transaction a placé dans la liasse deux billets de 200 shilling tanzaniens au lieu des 2000, qui sont pratiquement de la même couleur. Dany n’y a vu que du feu et dans la foule, la silhouette de l’agent de change s’est volatilisée bien vite. Et après cela, ils osent nous traiter de malhonnêtes ! Tout le monde dans le camion est énervé et voilà dans quelles conditions nous entrons en Tanzanie ce qui fait dire et redire à Dany : « J’aime la Tanzanie mais pas les tanzaniens. »

 

Le paysage qui s’offre à nos yeux en entrant dans le pays, nous déstresse un peu. Nous traversons une région montagneuse très fertile. Le ciel est par endroit plombé de gros nuages noirs annonciateurs de quelques gouttes de pluie. Les maisonnettes construites au milieu des bananeraies sont à peine visibles, de beaux hortensias bleus nous rappellent les Acores, quelques vaches noires et blanches paissent tranquillement dans les verts pâturages. Les mangues ne sont plus les reines des étals colorés du bord de route, elles partagent la vedette avec les choux, les tomates, les avocats, les patates, les bananes et les ananas.

Nous faisons un détour par la ville de M’Beya pour retirer de l’argent local dans un distributeur automatique (ça vaut vraiment pas la peine de se faire voler à la frontière) et faire du gasoil. Bien que nous soyons dimanche, les abords de la ville sont animés et toutes les petites boutiques sont ouvertes.

Nous aimerions pour une fois trouver un bivouac en pleine nature. Jean-Philippe qui a pourtant une toile de tente de toit sur son véhicule fait très rarement du camping sauvage et Taïre et Dany vont toujours dans des petits hôtels modestes car ils n’ont pas de matériel de camping. Nous sommes tous d’accord pour essayer d’atteindre avant la nuit, dans les parages de Kibao, un bivouac indiqué par « Africacy » sur leur site. J-P se propose de prêter à nos deux jeunes routards une toile de tente qu’il a en réserve.

Mais nous trainons sur la route, il va bientôt faire nuit et c’est finalement dans le village de Makambako que nous trouvons pour notre première nuit en Tanzanie, une guesthouse. « The Paradise Annex » située en plein quartier populaire de la petite ville et qui convient à tout le monde. Jean-Philippe loue une chambre, de même que Dany et Taïre et nous pouvons dormir dans notre véhicule garé dans la cour fermée et gardée. A la nuit tombée, nous partons tous les cinq plus le chien (Jean-Philippe frime un peu avec Ulysse en laisse, qui ne cesse de renifler les tas d’ordures et toutes les odeurs des autres chiens errants) à la recherche d’un petit resto sympa et pas cher. Comme nous ne trouvons rien, nous réintégrons notre cour, nous sortons nos tables et nos chaises et nous partageons dans la froideur nocturne et un vent glacial qui nous fait ressortir nos pulls, un repas rapide et frugal.   

 

Le lendemain, nous reprenons la route mais loupons le piste pour Kibao, il est dit que nous ne trouverons pas le bivouac en pleine forêt.

Par contre, nous jouons les touristes en visitant le canyon d’Issimila. Il fait un soleil radieux et c’est sous une forte chaleur que nous vadrouillons avec un guide au fond d’une vallée où l’érosion, au fil des siècles a laissée ses empruntes géologiques sous formes de hautes cheminées artistiquement sculptées par Dame Nature.

A Iringa, nous déjeunons, une fois n’est pas coutume dans un petit restaurant (trouvé par J-P dans son Lonely Planet) lieu apparemment très prisé par les expatriés et la communauté indienne. Ce n’est pas typiquement de la cuisine locale mais nous contentons nos appétits avec, pour Marc un steak et des frites et pour moi un chapati aux légumes (sorte de galette garnie) ce n’est qu’au moment de payer que Dany et Taïre nous annoncent que nous sommes leurs invités. Si nous avions su avant, nous aurions modérés nos choix qui sont assez couteux.

 

Puis nous continuons notre route jusqu’au « Crocodile Camp » où nous passons la nuit au milieu des baobabs. Ne pouvant s’offrir le luxe d’une chambre, Taïre et Dany empruntent pour camper la toile de tente disponible de Jean-Philippe qui dort comme nous dans son véhicule, non, lui c’est au dessus. Un léger froid s’installe entre nos trois si différents voyageurs. Une petite réflexion de J-P du genre : « pour nous européens qu’est ce que c’est que 5 euros ! » met Taïre à la limite de la colère et des larmes. Elle et son compagnon, gèrent leur budget au plus serré tandis qu’au cours des discussions que nous avons eu avec le jeune français, nous avons compris que pour lui, l’argent n’est pas un problème et il le dit ouvertement. Nos deux routards vont s’installer un peu à l’écart (histoire de sûrement décompresser) au bord de la rivière. Ils nous préparent un joli feu de camp, je cuisine un grand plat de pâtes à la crème. J-P qui nous rejoint amène un vin liquoreux d’Afrique du Sud que nous améliorons avec nos glaçons.

 

 

Mardi 9 décembre. C’est jour férié. En 1961, le pays Tanganyika devient indépendant, un an plus tard, la république est programmée. Julius Nyerere en devient le président en 1962 et fin 63, après une insurrection de la majorité noire (le pays est alors une colonie anglaise) la révolution est proclamée, Tanganyika et Zanzibar réunis forment la Tanzanie.

 

Nous émergeons trop tard de dessous nos couettes pour souhaiter le bonjour matinal aux hippopotames qui vivent dans la rivière. A un peu plus de sept heures du matin, ils ont déjà quittés les berges pour s’immerger dans les eaux ocrées de la rivière.

L’humidité de début de journée laisse ses traces sur les crêtes des massifs montagneux, en attendant que le soleil ne déchire le ciel, quelques nuages blanc cotonneux restent encore accrochés aux flancs des montagnes. La route sinueuse et pentue qui descend vers l’océan Indien nous oblige à la prudence. De nombreux camions, qui sont dans le sens de la montée, sont en panne.

La route nationale passe à travers le Parc National de Mikumi. N’empruntant pas de pistes latérales, nous n’avons pas besoin de payer l’entrée ni d’endormir Ulysse. Nous roulons doucement, nous faisant doubler par les bus et les nombreuses voitures. Notre allure d’escargot nous permet de voir des zèbres, des singes, des antilopes, des girafes et un petit troupeau d’éléphants. 

Nous arrivons à Dar es-Salaam plus vite que prévu  après avoir traversé de nombreux villages populeux et sa banlieue encombrée par les « dala-dala » (camionnettes avec des passagers assis à l’arrière sur deux bancs en bois l’un en face de l’autre) et les terribles « matatus » (minibus) tous surchargés à la manière africaine et dont les chauffeurs qui s’imaginent être  les rois de la route, ont probablement passés et réussis sans difficultés leurs permis de chauffards professionnels. Dar es-Salaam veut dire « havre de paix », c’était avant l’invention du klaxonne.

Nous laissons Dany et Taïre pas très loin de leur hôtel où ils ont laissés (avant de quitter la Tanzanie pour le Malawi) quelques effets personnels. Dans peu de jours, ils vont quitter le continent africain pour l’Asie. Nous nous souhaitons bon voyage mutuellement, Dany a du mal à quitter son ami Ulysse.

 

A Dar es-Salaam, nous avons l’adresse d’un camping qui se situe de l’autre côté de l’embouchure de la rivière Kizinga qui se jette dans l’océan Indien. Avec le plan de la ville sous les yeux, nous trouvons facilement l’embarcadère situé près du marché aux poissons (bonjour les odeurs) Il y a trois bacs qui font incessamment la navette entre Dar es-Salaam et Kigambi. C’est l’affluence de voitures, vélos, motos et piétons mais c’est bien organisé, il faut simplement s’armer de patience. La traversée se fait en quelques minutes seulement.

Au village de Mjimwema, nous nous arrêtons au « Sunrise Beach Resort » où nous avons un peu de mal à faire admettre Ulysse. Le « Boss » accepte finalement sous condition de le garder attaché. Nous avons intérêt qu’il se tienne à carreau ! Une fois installés, nous comprenons pourquoi les chiens sont interdits : c’est l’affluence à la plage. A part la couleur de la peau de 99 % des baigneurs, la tenue vestimentaire stricte des femmes musulmanes qui ne laissent pas tomber le voile pour le bikini sexy, on pourrait se croire aux Sables d’Olonnes en plein mois d’aout.

Bagheera est à l’ombre d’un palmier, derrière une rangée de toiles de tente installées dans le camping à demeure sous des paillottes. Nous n’avons pas vu directe sur la mer mais nous sommes à l’abri du vent qui souffle régulièrement tous les jours. Nous avons l’électricité, des sanitaires propres et des douches chaudes à disposition. Ulysse peut s’ébattre à loisir dans l’océan Indien (il se baigne le matin lorsque la plage est quasi déserte) et nous, nous y pataugeons quand nous désirons nous rafraichir. Que demander de mieux pour passer quelques jours d’oisiveté (encore !) nos journées sont rythmées par les lectures, les mots croisés, les sudokus, les petits bricolages, les petits nettoyages, les petits lessivages…journées traditionnelles de touristes passifs.

 

Bobos de Bagheera : Nous avons toujours notre bruit inquiétant quelque part dans la mécanique du camion et cela ne va pas en s’améliorant. Pour nous rendre du camping à la ville, nous n’empruntons pas le bac, Marc pense qu’il doit y avoir un accès par la route. C’est beaucoup plus long surtout que nous nous retrouvons sous une chaleur suffocante au milieu d’importants travaux de voierie, coincés dans un indescriptible embouteillage et dans la poussière poisseuse et cernés par les matatus fous.

Nous trouvons le garage IVECO sans trop de problème. Nous sommes conduits immédiatement au chef d’atelier qui ne fait aucunes difficultés pour monter dans Bagheera que Marc oblige à faire des pointes de vitesse sur Pugu Road, autant que la circulation le permet. Nous entendons tous, le bruit qui nous tracasse. Cela suffit au chef mécano pour nous faire faire demi-tour et regagner le garage. Il fait vérifier les niveaux d’huile de la boite de vitesse et du pont, tout est OK. Il pense finalement que nous avons un problème sur l’embrayage, mais ici ils n’ont pas la pièce de rechange. Pour la réparation, nous aurions plus de chance si nous allons chez IVECO à Nairobi au Kenya, à condition de rouler mollo sur la route. Le Boss se pointe au moment où nous allons payer la consultation. Etant mis au courant de nos soucis, il nous fait cadeau de la visite, merci.

Nous profitons de cette sortie en ville pour faire un gros ravitaillement au premier Shoprite que nous trouvons. Ensuite, grâce aux coordonnées GPS d’Africacy (merci encore à Alain et Claude) nous trouvons la petite boutique pour faire remplir nos bouteille de gaz car cela devient urgent.

Nous faisons également une tentative auprès de l’ambassade de France pour faire proroger nos permis de conduire internationaux qui ne seront plus valides à partir du 13 février 2009. Après être passés par le sas de sécurité et avoir subis le contrôle du miroir pour détecter la présence d’une bombe sous le véhicule, nous sommes reçus dans le vaste hall climatisé par Madame le Consul qui est bien étonnée de notre démarche. Elle pense ne pas avoir les prérogatives pour proroger nos permis mais par conscience professionnelle, elle se renseigne en France à notre préfecture de Tours qui le lui confirme : elle ne peut rien faire pour nous. Il faut que l’on se procure des formulaires (en France, car il n’y en a pas dans les consulats à l’étranger) les renvoyer dûment remplis et signés, joindre deux photos et nos permis actuels à notre préfecture puis faire une procuration à une personne de notre choix qui viendra les récupérer et nous les renvoyer à l’adresse de notre choix, dans le pays de notre choix, c’est fastoche et sûrement rapide ! Mais à quoi servent les consulats pour les simples voyageurs que nous sommes ?

 

Nous ne sommes pas mécontents de quitter Dar es-Salaam espérant que Bagheera résiste jusqu’à Nairobi. Sur la route qui mène à Korogwe, nous longeons d’immenses champ de sisal (un agave dont les feuilles ont des fibres utilisées pour faire des cordes où des sacs) qui s’étalent du bord de la route jusqu’aux premières rondeurs des vallons. Il y a encore un peu de mangues dans les manguiers mais elles sont vertes et il y a de moins en moins de vendeurs installés sur les bas-côtés. A Segela, qui n’est pas un village mais un grand carrefour où sont rassemblés une multitude de vendeurs de fruits et de légumes, nous stoppons car nous voulons acheter des oranges. Les vendeurs accourent sous nos vitres, nous proposent des prunes, des cajous, des bâtons de canne à sucre, des clémentines et des mangues, des pêches, des pastèques, des bananes… nous repartons avec plus de deux kilos et demi de clémentines locales pour même pas un euro.

A Mombo, nous quittons la grande route pour Lesotho. Nous pensions, à regarder la carte routière, trouver une piste. Mais non, nous roulons sur une très belle route de montagne goudronnée qui sinue et grimpe tout en douceur pendant plus de vingt kilomètres au milieu d’une végétation superbe. Un torrent déverse sur les roches de son lit ses eaux tumultueuses couleur de rouille, de nombreuses parcelles de jardins potagers sont accrochées sur les flancs des montagnes tels de petits morceaux de patchwork de verdure.

A Lesotho, alors que la fin de la journée s’annonce, nous quittons brutalement le goudron pour nous enfoncer un peu plus dans la montagne Usambara, par une piste de plus en plus mauvaise. Nous qui voulions éviter un maximum de souffrance à Bagheera, c’est fichu, pauvre camion ! Pendant que nous cahotons sur six longs et difficiles kilomètres, la nuit s’immisce tout à fait et c’est à la lumière des phares que nous arrivons devant « l’Irente View Cleef Lodge » alors que nous cherchons « l’Irente View Point » Sur le terrain de camping qui surplombe le terrain de foot du village, nous sommes accueillis par le gardien de nuit et le temps de trouver un endroit stable et plat pour Bagheera, le propriétaire du Lodge vient à notre rencontre. Au moment d’aller faire les formalités, j’entre-aperçois un panneau de bois marqué « Irente View Point » !

Louis, le propriétaire surgit alors d’un container transformé en bar, sans se préoccuper de son voisin qui m’attend, il cherche à accaparer les clients potentiels que nous sommes en me menant malgré la pénombre à l’endroit de son camping où nous aurons d’après lui : La Vue Unique sur la vallée que je ne distingue d’ailleurs que grâce aux myriades de minuscules lumières des habitations lointaines. Nous faisons jouer la concurrence, le premier, sentant le vent tourner à son désavantage baisse le prix de la nuitée jusqu’à 6000 Shilling tanzanien mais Louis propose 5000. Chez lui, c’est sûrement moins organisé mais nous optons pour la vue unique.

Ouah ! Il fait plutôt frais à 1400 mètres d’altitude, mais au petit matin du lendemain nous avons comme récompense, après dissipation des brumes matinales, de découvrir le panorama splendide tant vanté la veille par Louis. Les maisons minuscules des villages de Mazinde et Gao colorent la verte vallée qui s’étend à perte de vue. Bon, c’est superbe mais il ne fait que 20° dans le camion et 17° dehors ! Le tableau que nous avons devant nos yeux nous fait oublier la rusticité du camping et nous en apprécions que davantage le privilège d’être dans un lieu fabuleux.

Ce petit camping incite tout voyageur à se poser un temps devant la sérénité et la beauté sauvage du lieu. Le calme de la montagne, la discrétion des villageois, les odeurs fleuries des acacias et les fragrances musquées de la forêt d’eucalyptus, le tintement léger des cloches de l’église, les saveurs de la cuisine traditionnelle de Tato (la sœur de Louis) sont de simples prétextes pour rester un peu plus longtemps que prévu initialement. Ici, il ne faut pas chercher le confort, il n’y a pas d’électricité, les toilettes, car il y en a, sont dans une petite case ronde mais sont hygiéniques et propres. Si on veut prendre une douche, nous pouvons, Louis est prêt à aller chercher de l’eau au puits (enfin, pas lui, sûrement une femme !) et la faire chauffer sur le braséro au charbon de bois. Bien trop compliqué, on va se passer de la douche pour le moment. Les petits chalets et chambres pour routards sont plutôt vétustes et pas très bien entretenus. Louis est époustouflé lorsqu’il voit son prénom inscrit noir sur blanc sur une des pages photocopiées du récit tanzanien de Claude et Alain. Il est devenu une star, c’est bon pour le business !     

        

 Deux nuits après, nous quittons ce vrai petit havre de paix où les touristes n’affluent pas, pour nous diriger vers le fabuleux et mythique Kilimandjaro. La route qui va jusqu’à Himo longent d’un côté un massif montagneux et de l’autre une immense steppe Massaï aride et pratiquement dépourvue d’arbres. La montagne joue la star capricieuse et ne se dévoile pas, son sommet est noyé dans les nuages. Arrivés à Himo, nous bifurquons pour Marangu, village où notre passage suscite les trop nombreux et harangueurs guides de montagne improvisés et des rabatteurs non moins chiants qui veulent absolument nous mener à un camping. Tout ce petit monde nous gonfle vite. Notre attention n’est pas de faire l’ascension du Kili mais d’aller à la Marangu Gate (1850 m) pour faire une photo. Nous sommes d’autant stressés que le moteur de Bagheera chauffe beaucoup malgré le fonctionnement des deux ventilateurs. Nous sommes obligés de nous arrêter de nombreuses fois pour le laisser refroidir. Nos narines détectent également une nouvelle odeur bizarre qui ressemble à des effluves de résines. Il est grand temps pour Bagheera d’arrêter pour aujourd’hui.

Nous trouvons le « Maundi Travellers Best and Rest » à 1460 mètres d’altitude. Nous n’avons pas accès avec notre engin au jardin tropical et nous restons sur le petit parking. Bahati, la jeune fille qui gère le camping qui est davantage une guesthouse nous ouvre gentiment une chambre libre (elles le sont toutes) pour nous faire bénéficier de la douche chaude et des toilettes dans une immense salle de bain.

Le prix est correct mais dans la soirée, alors que nous sommes retranchés dans le camion à cause de la fraicheur de la nuit, Bahati vient nous voir toute penaude pour nous annoncer que son manager, qu’elle a du avoir au téléphone, triple le prix de la nuitée ! Mais nous avons déjà payé et devant notre étonnement à cette brusque flambée des prix et notre mécontentement, elle retourne, sans rien nous réclamer de plus, à ses occupations. Pas gonflé le Boss !   

 

C’est le lendemain matin, que le miracle se poursuit (l’odeur est toujours là mais moins forte) alors que nous quittons le camping ayant un peu oublié la montagne majestueuse dont nous n’avons toujours rien vu. Sous un ciel bleu, le sommet aplatit et enneigé du Kili s’offre à nous. Ce toit de l’Afrique, sacré pour les Massaï, inspiré pour les écrivains et convoité pour les milliers de grimpeurs et de randonneurs du monde entier culmine à 5895 mètres. Clic Clac photos. Nous l’imaginions plus impressionnant et plus enneigé mais il est là devant nous, nous avons vu le Kilimandjaro !

La route contourne ses flancs, ses petites trainées de neiges éternelles se détachent sur le ciel sans nuages, mais petit à petit alors que nos regards s’y accrochent toujours, des filandres grisâtres viennent le caresser puis la masse nuageuse l’englobe de plus en plus jusqu’à le faire disparaître. Bye Bye Kili.

 

Nous passons Arusha sans trainasser, avec les problèmes de Bagheera, nous avons hâte d’arriver à Nairobi. La frontière n’est plus tellement loin, mais la route jusque là en bon état se dégrade très sérieusement.

Après la végétation luxuriante autour du Kilimandjaro, nous traversons une vaste savane aride où seuls quelques épineux daignent pousser. Le paysage s’arrondit de collines où paissent de nombreux troupeaux de vaches maigrichonnes gardées par les sublimes bergers Massaï à la silhouette filiforme et drapée dans des toges colorés, le plus souvent dans les tons de mauves, rouges et bleus.

Nous trouvons à pique-niquer dans un endroit désert avant les postes frontières. Mais ici comme partout en Afrique, nous ne sommes jamais réellement seuls. Trois petits bergers Massaï quittent précipitamment leurs troupeaux pour courir jusqu’à nous. Ils ont une dizaine d’année et se plante à quelques mètres du camion. Une jeune fille et une femme en font autant mais à la vue d’Ulysse elles repartent en vitesse tandis que les garçons ne décanillent pas.

Nous partageons avec Lazaro Kipara, Kumondare Kelem et Emanuel Ndooki, notre pain (quotidien), quelques clémentines et quelques biscuits. Je suis agréablement surprise de les entendre nous dire « asanté » merci dans leur langue swahili. Ils nous gratifient également d’une petite chanson et de larges sourires.

Mais l’heure est revenue aux formalités administratives de passage de frontières. Bagheera démarre, les petits Massaï repartent vers leurs bêtes et ne deviennent bientôt que trois petites tâches brunes dans l’immense steppe africaine.

 

Mardi 16 décembre : Attention, Kenya nous voilà !

 

 

Bisousdenousàvous, Eve, Marc et Ulysse.

          



25/02/2009
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